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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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c’était sur lui qu’avait porté le
coup ; le souffle coupé, la corde pénétrant sa chair dans une brûlure
atroce, il chercha de l’air, battant des jambes à dix pieds du sol. Il vivait
les secondes les plus douloureuses de son existence, encore suspendu, dansant
comme une marionnette au bout de son fil.
    La corde se rompit.
    Escartille tomba sur les pavés. Une nouvelle douleur
lui arracha un cri ; il s’était tordu la cheville.
    Et tout à coup, il réalisa que l’impensable s’était
produit.
    Je suis vivant !
    Il regarda son fils avec terreur.
    Aimery était là, ses minuscules cheveux épars
sur son front.
    Il regardait son père d’un air étonné.
    Escartille serra l’enfant contre lui.
    Merci, mon Dieu, de ce miracle ! Ainsi,
Vous existez !
    Lorsque le troubadour se retourna, ce fut
pour distinguer la silhouette du prêtre qui, au sommet de la cathédrale, s’était
levé et le regardait avec des yeux écarquillés. Des nuages de fumée sortaient
maintenant du clocher. Sur le parvis, les croisés avaient laissé la population
asphyxiée rouvrir les portes de l’édifice. Ils accueillaient à coups de hache
ceux qui, les mains crispées sur leur gorge ou leur poitrine, se précipitaient
au-dehors. Les corps s’amoncelaient devant l’entrée, marche après marche. Des
flammes immenses s’échappaient de l’édifice, à travers les vitraux brisés.
    Le saut du troubadour n’était pas passé
inaperçu. Parmi les soldats médusés qui se trouvaient non loin de lui, l’un d’eux
se détacha du reste du groupe. Escartille le vit qui s’approchait, portant haut
sa masse d’armes. Le croisé s’avançait, colosse barbu au visage maculé de sang.
Il soufflait comme un taureau, les lèvres frémissantes. Pourtant, à voir ce
saut extraordinaire, lui-même n’en revenait pas. Son bras était retombé, ballant,
le long de son corps.
    Le temps sembla s’arrêter.
    Pas maintenant. Pitié, pas maintenant.
    Ils s’épièrent. Ce n’était plus deux hommes
qui se regardaient, mais deux animaux. Escartille entendit encore distinctement
la respiration profonde du croisé.
    Enfin, celui-ci jeta d’une voix sourde :
    — Par tous les saints, file, que tu sois
ange ou démon ! Je crois que… que nous ne savons plus nous-mêmes ce que
nous faisons.
    Le seigneur tendit la main au troubadour pour
l’aider à se relever. Il fit mine de brandir l’épée mais la laissa s’échapper, tandis
que ses congénères recommençaient à trancher les gorges.
    Escartille réunit alors ses dernières
forces pour s’enfuir en claudiquant dans une ruelle voisine. Il repéra la
boutique d’un tonnelier et s’engouffra en gémissant à l’intérieur. Une trappe
donnait sur un cellier qui, manifestement, avait déjà été visité. Il n’y
restait plus que cinq ou six sacs de farine éventrés. Le troubadour referma la
trappe et se glissa au fond du cellier avec Aimery.
    Il ne bougea plus.
    Le jour durant, les ribauds continuèrent
à aller et venir ; répandus dans toutes les maisons, ils achevaient leurs
pillages et leurs massacres. À la vérité, l’armée croisée avait été débordée
par ces truands. Étouffant de rage, elle finit par les chasser à coups de bâton.
Les routiers, dépossédés de leurs biens sitôt qu’ils les avaient acquis, se
vengèrent en allumant de nouveaux feux çà et là. À présent que les bourreaux de
Béziers étaient victorieux, voilà qu’ils se faisaient la chasse, les seigneurs
de haut rang aussi bien que les gueux armés de leurs gourdins ! On se
disputa ainsi des heures durant le butin de la ville, de ses caves, de ses
tours, de ses maisons, des quartiers où les capitouls avaient été égorgés, si
bien que Béziers continua d’être saignée à blanc. Mais la chance était avec le
troubadour ; on ne vint pas le trouver dans ce réduit où, sans doute, la
grâce divine l’avait conduit.
    Le lendemain, après une nuit horrible, tenaillé
par la faim, la soif et la souffrance, il se risqua à ouvrir la trappe et à s’aventurer
au-dehors.
    Il parvint à trouver assez de lait pour
nourrir Aimery, dont il craignait l’affaiblissement. Son front était tout chaud ;
était-ce de la fièvre ? Comment avait-il pu traverser vivant toutes ces
épreuves ? Combien de temps s’était-il écoulé, entre le moment où la ville
avait été prise d’assaut et celui où Escartille errait ainsi, parmi ces rues foudroyées ?
    Tuez-les tous.
    Ce qui restait de la

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