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L'Église de Satan

L'Église de Satan

Titel: L'Église de Satan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arnaud Delalande
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sombres, une
barbe fournie. Mais ce n’était ni un Français de l’ost, ni l’un des guerriers
échappé de la ville. Pour preuve, sa peau, si brune, presque noire, et ses
traits ravagés de fatigue, qui laissaient à penser qu’il venait d’ailleurs et
avait fait une longue route. Peut-être cet étrange messager venait-il d’Orient.
Il portait au côté quelques bagages maigres, dont une besace de cuir.
    — Qui êtes-vous ? demanda Escartille,
se redressant sur ses coudes.
    Le chevalier, tout d’abord, ne bougea pas. Puis
il tourna la tête en direction du troubadour.
    Il finit par dire, d’une voix profonde :
    — Je viens de si loin que tu ne saurais
le concevoir. Je viens d’une terre de sang et de feu, d’une terre vaincue et
pourtant mille fois sainte…
    — Mais… que faites-vous ici ?
    À nouveau, le chevalier se tut. Il laissa
passer quelques secondes et reprit :
    — Une ville est tombée et ce n’est encore
que le début. Je vais en ce château que l’on construit, sur ce pic imprenable. Je
vais à Montségur.
    Il eut un sourire, qui s’effaça lentement de
son visage.
    — Montségur… dit Escartille. Qu’allez-vous
y faire ?
    Le chevalier ne répondit pas. Puis il dit :
    — As-tu idée de la raison véritable pour
laquelle on se bat ici ?
    Escartille hocha la tête, les traits de son
visage se tordant en une grimace amère.
    — Y a-t-il un motif suffisant pour
autoriser une telle horreur ? dit-il seulement.
    Le chevalier le regarda encore.
    Il posa sur sa besace noire sa main gantée.
    — Oh oui, dit-il avec gravité, les yeux
dans le vide.
    Escartille le considéra longuement, intrigué. Il
regardait cette besace, dont il ne parvenait pas à voir le contenu. Il voulut
demander davantage d’explications, mais les mots venaient mourir au bord de ses
lèvres. Le cavalier parut soudain submergé de fatigue et de tristesse. Il se
tourna vers le troubadour et dit encore :
    — Et toi, troubadour ? Où vas-tu, à
présent ?
    Escartille hocha la tête.
    — Moi ? Je vais… je vais tâcher de
sauver nos vies.
    Un calcul rapide se fit dans sa tête
embrouillée. Le pays était maintenant infesté par la guerre. Les accès
montagneux vers l’Espagne lui seraient sans doute coupés. L’Aragon ! Et il
allait s’y rendre ainsi, épuisé, sans vivres ni bagages ? Il ne pourrait
aller bien loin ! Aimery et lui avaient besoin de soins immédiats. Ils risquaient
tout simplement de périr en route, de tomber sur les routiers, levés en masse
dans le sillage de l’ost. Il avait assez vu de quoi ils étaient capables. Avait-il
seulement la certitude que Louve était bel et bien repartie dans son pays natal ?
Il n’était sûr de rien. Il avait beau sentir son cœur submergé de colère et de
chagrin, il n’y avait pas à balancer. Il devrait faire étape dans la cité la
plus proche pour y retrouver un peu de répit, et glaner les informations dont
il avait besoin. Il était resté fidèle à la parole donnée et aux craintes
légitimes de la servante, qui redoutait de voir mises en péril la vie de sa
maîtresse et celle de son enfant, s’il tentait de les retrouver. Mais le danger
d’aujourd’hui était sans commune mesure. S’il ignorait où se trouvait Louve à
présent, du moins savait-il où l’on avait dû la voir pour la dernière fois… N’était-ce
pas de là qu’il devait reprendre ses investigations ? Après son départ de
Puivert, Don Antonio s’était rendu à Toulouse, auprès de Raymond VI. Pourtant,
ce n’était pas là le dernier endroit par lequel il avait dû passer.
    Puivert, Toulouse, et ensuite…
    Oui – tous les chemins le conduisaient en un
même lieu. Une seule ville était à la fois le verrou de la route de Toulouse, du
comté de Foix et de l’Aragon. Mais cette ville risquait d’être également la
prochaine cible de la conquête de l’ost.
    Escartille releva les yeux.
    — Je vais… Je vais faire ce que j’aurais
dû faire depuis longtemps. Je vais me mettre à l’abri d’autres murailles qui
celles-là, je l’espère, tiendront quoi qu’il advienne.
    — Où cela ?
    — À Carcassonne, dit Escartille.
    Et il répéta :
    — Carcassonne la grande.
    — Oui, dit le chevalier, il se peut que
les Français, entraînés par leur triste victoire, marchent dès à présent vers
Toulouse, et que tu passes au travers de leur folie, pendant qu’ils prennent d’assaut
la ville comtale. Mais oseront-ils ? Entends-tu

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