Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
marri.
    — Et la reine votre mère, Sire, a élevé le marquis
d’Ancre à la dignité de maréchal de France.
    — Le marquis d’Ancre, maréchal de France ! s’écria
Louis, béant. Mais il est étranger !
    — En effet, Sire.
    — Et il n’a jamais porté les armes !
    — En effet, Sire.
    — Mais n’est-ce pas à vous, Monsieur de Souvré, que la
reine ma mère avait promis le bâton ?
    — En effet, Sire.
    — En récompense de votre vaillance aux armées du roi
mon père ?
    — En effet, Sire, dit Monsieur de Souvré, la face si
pâle qu’il paraissait tirer à la mort.
    Et il reprit, faisant sur lui-même un héroïque effort pour
réaffirmer sa loyauté à l’égard de la régente :
    — Toutefois, Sire, la reine votre mère ne fait rien
sans grande considération…
    — J’en suis bien assuré, dit Louis, qui n’en était rien
moins que sûr.
    Les assistants – et ils étaient nombreux ce matin-là
dans les appartements du roi – paraissaient transis dans le silence et
pour ne pas avoir à envisager Monsieur de Souvré, ni se regarder entre eux,
fichaient leurs yeux à terre, comme s’ils eussent craint qu’on y pût lire le
scandale et la stupéfaction. À peu qu’ils eussent désiré n’avoir point
d’oreilles pour ouïr ce qu’ils venaient d’ouïr, ni de cervelle pour l’entendre,
ni de langue pour le répéter. Immobiles et muets, ils s’escargotaient. Et sur
leurs coquilles, passaient et repassaient, battant leurs blanches ailes, les
anges de l’hypocrisie de cour.
    Mais le roi, lui, qui venait d’avoir douze ans, avait le
droit – non parce qu’il était le roi, mais parce qu’il était un enfant, et
si rudement tenu en lisière – de poser questions et il n’y faillit point,
l’air sérieux, attentif et quasi naïf.
    — Monsieur de Souvré, reprit-il, pourquoi dois-je dire
un petit compliment au nouveau maréchal ?
    — Sire, parce que ce matin à dix heures, chez la reine
votre mère, le marquis va prêter devant vous son serment de maréchal de France
et vous assurer de ses loyaux services.
    — Et que dirai-je ?
    — Sire, voici la phrase qu’on m’a demandé de vous faire
apprendre.
    À ma connaissance, c’était la première fois que Monsieur de
Souvré employait une façon de dire qui mettait quelque distance entre lui-même et
le texte qu’il avait le devoir de mettre dans la bouche du roi.
    Il reprit :
    — « Mon cousin, j’augure bien de vos services et
je vous remercie de votre bonne volonté à mon endroit. »
    — « Mon cousin » ? dit Louis. Pourquoi
dois-je appeler le marquis d’Ancre « mon cousin » ?
    — C’est l’usage, Sire. Un maréchal de France est
considéré comme hors de pair avec la noblesse de France. En conséquence, le roi
lui dit « mon cousin », et tout un chacun lui doit donner de
l’« Excellence ».
    — Même les ducs et pairs ?
    — Même ceux-là, Sire.
    Louis eut l’ombre d’un sourire, comme s’il doutait que
« ceux-là », s’agissant d’un personnage si déconsidéré, s’allassent
soumettre volontiers à cette obligation.
    — Eh bien, Monsieur de Souvré ! reprit-il avec sa
décision coutumière, apprenons cette phrase, puisqu’il le faut ! Vous
plaît-il de me la répéter ?
    Monsieur de Souvré, non sans effort, répéta le texte et
Louis, non sans mal, et à peu près avec la mine qu’il prenait pour avaler les
peu ragoûtantes purges du docteur Héroard, l’apprit par cœur.
    Ce fut une circonstance fort heureuse en l’occurrence que le
lit monumental dans la chambre de la reine ait été gardé des approches par un
balustre d’argent massif, lequel seuls avaient le privilège de franchir les
princes et les ducs. Sans lui, la presse des courtisans dans la chambre fût
devenue telle et si tempestueuse que même la couche royale eût fini par être
envahie. Aussi bien dut-on faire appel aux capitaines des gardes pour refouler
les courtisans et ouvrir un chemin au maréchal d’Ancre, lequel s’avança,
portant haut le bec, superbement vêtu de soie et paré de pierreries, lesquelles
brillaient aussi de mille feux sur la garde de la splendide épée qu’il portait
au côté – cette épée qu’il n’avait jamais tirée pour la défense du royaume
de France, ni même pour celle de sa lointaine patrie, car de publique
notoriété, Concini avait beaucoup connu à Florence les tréteaux de la comédie
(où il jouait les rôles féminins), les

Weitere Kostenlose Bücher