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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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dépouillé de ses biens, de sa charge et
de son gouvernement et le Conchine, ne s’arrêtant pas en si beau chemin,
pourrait bien s’en prendre ensuite aux biens et à l’honneur d’autres Grands.
    La duchesse de Guise poussa des cris d’orfraie, quand enfin
elle entendit que son fils aîné le duc pouvait subir à son tour ces atteintes.
Elle convainquit du danger la princesse de Conti et, par courrier spécial
envoyé à Gaillon, Madame de Montpensier. Les trois princesses conjuguèrent
leurs efforts, chacune employant un moyen différent. Ma bonne marraine, les
cris et la fureur, la princesse de Conti (dont la beauté et le charme
agissaient même sur les femmes) de douces, insinuantes et insistantes
pressions. Madame de Montpensier, une lettre naïve à la régente où elle
déplorait que le duc de Bellegarde, qui était de ses amis, courût des dangers
tels et si grands. Mademoiselle de Montpensier, sa fille, qui avait alors huit
ans, donnait le poids que l’on sait à cet anodin propos.
    Parfaisant son œuvre, Madame de Guise convainquit le duc de
Guise et le duc d’Épernon. Ils étaient chers à la régente pour la raison que
seuls de tous les Grands, ils ne la menaçaient pas à tout instant de quitter la
Cour et de se retirer dans leurs provinces, afin d’y lever des troupes et de
contester son pouvoir. Ce n’est pas que ces deux-là fussent plus désintéressés
que les rebelles : ils visaient plus haut, aspirant tous deux à la
connétablie et ne la pouvaient recevoir que du roi, c’est-à-dire de sa mère. En
cette occasion, ils sentirent toute l’inutilité d’intercéder une deuxième fois
auprès de Conchine pour qu’il retirât sa plainte. L’avarice et l’ambition du
maréchal d’Ancre le rendaient aveugle aux conséquences de ses actes et je me
fis cette réflexion qu’il aurait eu bien besoin, quant à lui, d’un miroir
magique, pour l’effrayer sur son propre avenir et modérer son impudence. Quoi
qu’il en fût, Guise et d’Épernon trouvèrent plus expédient d’aller tout de gob
trouver la reine et de la supplier d’assoupir le procès Moysset.
    Un roc n’eût pas résisté à tant de sapes et la reine
commanda à la parfin que le procès de Moysset fût retiré du greffe et brûlé.
Moysset, qui avait quasiment senti autour de lui les flammes du bûcher,
retrouva souffle et jouit à neuf de ses biens, lesquels étaient immenses et
eussent, eux aussi, engraissé Conchine, si la personne du financier avait été
réduite en cendres.
    Bellegarde me jura une éternelle amitié et bien qu’il tînt
parole, c’est moi qui, dans la suite, eus l’occasion d’atténuer les coups
qu’allait lui valoir de nouveau son étourderie. Plusieurs années plus tard,
quand j’allai le voir dans son exil (avec la permission de Louis XIII qui
l’y avait expédié), il me dit, toujours aussi fol et fat, que dans l’affaire du
miroir enchanté, ce qui l’avait le plus charmé, c’est qu’il avait été sauvé par
trois dames, lesquelles étaient, en outre, les plus hautes princesses du
royaume.
     
    *
    * *
     
    À mon sentiment, dès l’âge de neuf ans, l’âge auquel le couteau
de Ravaillac le sépara à jamais de son père, Louis avait appris de lui que la
France comptait deux ennemis : à l’extérieur la Maison d’Autriche et à
l’intérieur les Grands.
    De l’animosité que lui inspirait la première – sans
compter ces deux mariages espagnols qui avaient bien du mal à passer le nœud de
sa gorge – j’ai cité déjà maints exemples. De la méfiance que lui
inspiraient les Grands, j’ai commencé à m’aviser le jour où son confesseur lui
affirmant que la plus haute vertu d’un prince était la clémence, Louis répliqua
aussitôt que « le roi son père n’avait pourtant pas pardonné au maréchal
de Biron » – duquel, en effet, Henri avait puni la trahison en
livrant sa tête au billot de l’exécuteur.
    Très tôt, et si mes souvenirs sont exacts, deux ans avant
l’élévation du Conchine au maréchalat, j’observai à quel point le petit roi
était chatouilleux quant au respect que les Grands lui devaient.
    Se rendant un jour dans les appartements de la reine
accompagné de Souvré et de moi-même, il la trouva dans son cabinet aux prises
avec trois des plus grands seigneurs du royaume : le comte de Soissons,
deuxième prince du sang, mon demi-frère le duc de Guise et le duc de Bouillon.
La pauvre régente tentait d’accommoder de son

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