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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fût remarquablement exempt des
infirmités du grand âge, ayant l’esprit clair et les membres alertes, mon père
voulut à force forcée se rendre en le Sarladais pour célébrer son centenaire.
    Bien que mon cœur me dolût à l’idée de quitter ma Gräfin pour deux longs mois, je proposai à mon père de l’accompagner, ce dont il
témoigna beaucoup de contentement, car mes demi-frères du Chêne Rogneux, pris
par leur négoce maritime (le seul, avec la verrerie, qui fût permis à des
gentilshommes), voyageaient alors sur les mers et océans du monde. Et d’un
autre côté, mon oncle Samson de Siorac était si fort attaché à son
apothicairerie et si fort cousu au vertugadin de son épouse qu’on ne le pouvait
bouger de son officine, même pour venir en Paris, à plus forte raison
renâclait-il à chevaucher en plein hiver par les tortueux et périlleux chemins
du Périgord.
    Le marquis de Siorac, ayant toute fiance en Franz pour
régner seul sur notre hôtel de la rue du Champ Fleuri, emmena avec lui le
chevalier de La Surie et nos deux soldats, Pissebœuf et Poussevent. Et moi-même
j’emmenai La Barge. Mais trouvant notre troupe encore trop estéquite pour
voyager sur les grands chemins de France, mon père embaucha en supplément
quatre gardes suisses qui se trouvaient désoccupés, leur contrat avec le roi
étant terminé. Ce qui nous fit fort de dix hommes pour résister aux assauts des
caïmans qui se postaient aux ponts, aux péages et aux défilés des monts pour
rançonner les voyageurs et parfois les occire. Nous partîmes tous puissamment
armés, chacun, outre l’épée de guerre, ayant deux pistolets à la ceinture et
une arquebuse à rouet dans les fontes de sa selle, et d’autres armes encore
dans le charroi qui portait nos bagues [41] et nos viandes.
    Plaise au lecteur de ne point s’étonner que j’aie compté La
Barge au nombre des hommes – étonnement qui le chagrinerait fort, s’il le
pouvait observer. Car mon page, après l’aventure de la chambre bleue, n’était
pas tant fluet qu’il l’avait été et taillait même maintenant quelque figure
auprès des chambrières du Louvre. Que cela fût dû à son naturel développement
ou à Zohra, je ne saurais trancher. Mais de reste, il tirait des armes
passablement bien et mieux encore, du pistolet et de l’arquebuse, étant tout à
fait capable de tenir sa partie dans un chamaillis d’épées et de bâtons à feu.
    Le chemin de Paris à Sarlat fut quasi insufférable tant du
fait des intempéries que des caïmans, lesquels, par deux fois, nous
assaillirent. La première bande, qui était fort petite, s’en prit bien
imprudemment à deux de nos Suisses qui formaient notre avant-garde et fut
anéantie, quand le gros de notre troupe lui tomba sus. L’autre, plus nombreuse et
mieux commandée, nous observa plus à loisir et sans coup de feu, préféra
prendre langue avec nous, nous sommant de leur payer péage, vu leur nombre et
le nôtre.
    — Messieurs, dit mon père, je n’entends pas votre
langage. Si vous voulez nous arracher de l’or, vous aurez des brillants :
ceux que crachent les pistolets que voici. Choisissez et choisissez vite ;
nous ne sommes pas patients.
    Les brigands nous laissèrent passer, mais le chef ayant le
mauvais regard, mon père soupçonna qu’il aspirait, la neige ralentissant fort
notre marche, à nous suivre pour nous tailler des croupières. Démontant à un
mille de là et cachant nos chevaux, mon père leur tendit une embuscade. Il
n’eut pas longtemps à attendre avant que les caïmans y vinssent donner tête
baissée. À la première décharge, ils eurent cinq morts, dont le chef qui avait
inspiré tant de méfiance à mon père.
    Ce combat-là trotta bien plus vite que nous, car lorsque
nous parvînmes à Brive, nous apprîmes qu’il y était déjà connu, le lieutenant
civil nous félicitant de cet exploit, le chef que nos armes avaient défait
battant l’estrade depuis trois ans dans les alentours. Et il faut croire que
sur le chemin du retour, notre réputation se trouvait déjà bien établie, car ni
aux cols, ni aux guets des rivières, ni aux ponts, ni aux péages nous ne
rencontrâmes mauvaise compagnie.
    Au contraire du connétable de Montmorency qui devait mourir
quatre mois plus tard, le baron de Mespech n’était point de ces vieillards qui
se séparent bien avant l’heure de leurs intérêts corporels pour se préparer aux
joies de l’Éternité. Il n’était pas non

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