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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ouvrir.
    En la bassesse de cœur qui lui était si naturelle, Condé fit
pis. Par des libelles, il sema le bruit que la régente coqueliquait avec
Concini – vieux refrain que le populaire ne demandait qu’à
reprendre – et aussi qu’elle nourrissait le projet de faire empoisonner le
roi pour se perpétuer dans la régence – infamie que même Mariette n’aurait
osé imaginer.
    On en était là de ces tortueuses intrigues, quand un élément
nouveau vint à ma connaissance, d’une façon si fortuite qu’elle me laissa
béant. On se souvient sans doute que lorsque je soupais le soir en mon
appartement du Louvre, j’étais accoutumé à admettre à ma table La Barge pour
gloutir les bonnes repues que préparait mon cuisinier Robin. Il n’y avait pas
pour cela à violer l’étiquette, puisque mon page était de naissance noble,
quoique modeste, et pour moi, cela n’allait guère à mon humeur d’être seul
devant mon assiette, laquelle me donnait alors l’impression qu’elle s’ennuyait
de ce que je n’ouvrais la bouche que pour avaler les viandes à la diable et
sans les savourer.
    En outre, La Barge avait ceci de bon que je me pouvais taire
devant lui un long temps sans qu’il s’en offusquât. Tant est que j’avais, en sa
présence, les avantages d’une compagnie sans en ressentir les incommodités.
Toutefois, je n’étais point assez haut avec lui pour lui interdire de prendre
la parole, pour peu qu’il me la requît et d’autant qu’étant plus vif des
oreilles et des yeux que pas un page du Louvre, c’était miracle tout ce qu’il
savait, et sur l’un et sur l’autre, et des plus grands du Louvre – et quel
plaisir il trouvait aussi à me le conter.
    — Monsieur, me dit-il ce soir-là, je vous vois
sourcilleux. Seriez-vous malengroin ?
    — Nenni, quoique me souciant fort pour le royaume de
cette rébellion des Princes.
    — Peux-je parler, Monsieur ?
    — Oui-da, s’il y a suc et sève en ton propos.
    — Je le crois, Monsieur.
    — Or sus ! Je te prête une oreille.
    — Monsieur, reprit La Barge, il faut d’abord que je
vous dise que je suis amoureux. Elle s’appelle Gina.
    — Et elle est chambrière chez la reine ?
    — Nenni, Monsieur, elle est plus haut que cela !
Elle est curatrice aux pieds de Sa Majesté.
    — Curatrice ? Qu’est cela ?
    — Elle lave les pieds de la reine, elle les masse, elle
les oint, elle lime les ongles et taille les cors, si cor il y a.
    — Et où en es-tu avec cette Gina ?
    — Au dernier bien, Monsieur.
    — Acquis ou à venir ?
    — Acquis, Monsieur.
    — Bravo ! Mais garde-toi bien d’engrosser la
pauvrette.
    — Il n’y a pas péril, Monsieur. La mère de Gina est
sage-femme à Florence et elle lui a appris les précautions.
    — La sagesse même. Fils, repris-je, ton propos, certes,
m’ébaudit, mais je n’y vois pas encore suc et sève.
    — Ils viennent, Monsieur. Mais il faut d’abord vous dire
que Gina est plus parleresse et babillarde qu’aucune fille au monde. Et c’est
ainsi que j’appris de sa bouche que la reine avait reçu le ministre Villeroy
alors que Gina lui lavait les pieds.
    — Jour de Dieu ! Dois-je croire cela ?
m’écriai-je, béant. La reine recevrait un de ses ministres les pieds dans une
bassine ?
    — Oh ! Monsieur ! La reine fait bien pis,
étant vertueuse, mais point pudique. L’été, par grosse chaleur, la reine fait
la sieste couchée sur un tapis sans vertugadin, sans basquine, les bras nus et
toute dépoitraillée. Ainsi faite, elle parle à Monsieur de Thermes, un de ses
capitaines aux gardes comme si de rien n’était.
    — Dieu me garde de blâmer la reine, quoi quelle
fasse ! dis-je, pieusement. Poursuis, La Barge ! Que lui disait
Villeroy ?
    — Il plaida pour qu’à défaut de lui faire la guerre, la
régente effrayât suffisamment Condé et les siens pour qu’ils vinssent à
résipiscence. Il suffirait à la reine, dit-il, de ramasser quelques troupes et
d’aller s’établir à Reims. « Reims, argua Monsieur de Villeroy, n’est qu’à
quatre jours de marche de Mézières, et se sentant ainsi pressés, ou bien les
Grands viendraient faire leur soumission à Reims, ou bien se retireraient hors
des frontières. Dans les deux cas, on serait débarrassé d’eux, et Mézières et
toute la Champagne tomberaient alors aux mains du roi. » Voilà ce que j’ai
entendu du discours de Gina, lequel n’était point si clair, ni si cohérent que
je

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