L'Enfant-Roi
qui
épousa le souverain le moins haut – le duc de Savoie – et qui fut la
plus heureuse. Et enfin la dernière-née des enfants de France, Henriette, cinq
ans, qui vint au monde un an avant l’assassinat du roi et dont on ne daigna
même pas annoncer la naissance au peuple par les coutumiers coups de canon,
tant le couple royal était fatigué d’avoir des filles.
« Mauvais présage ! » s’était écriée notre
Mariette, les yeux au ciel et le tétin houleux. Et pour une fois, elle ne se
trompait guère. La pauvre Henriette, accueillie en ce monde avec si peu
d’honneur, se maria, certes, glorieusement, puisqu’elle épousa Charles I er d’Angleterre, mais l’infortuné souverain, quelques années plus tard, fut
décapité par ses sujets et la laissa veuve. Il est vrai qu’Henriette contribua
quelque peu à son malheur, avant hérité de sa mère un caractère borné et
opiniâtre qui la porta à pousser son mari dans les voies d’un absolutisme qui
lui fut fatal.
— Mes enfants, dit Louis, comme on arrivait au dessert,
j’aimerais vous conter, pour vous instruire, l’histoire d’une petite
marcassine.
— Qu’est cela, Sire, qu’une marcassine ? dit Madame qui, en tant que sœur aînée, voulait montrer à ses cadettes qu’elle avait le
droit de poser des questions.
— C’est la femelle d’un marcassin, répondit Gaston qui,
loin de bégayer comme son aîné, avait la langue déliée et la réponse prompte.
— Ne répondez pas à ma place, Monsieur, dit le roi,
sévèrement. Et de reste, votre réponse est fausse. La marcassine est la sœur,
et non l’épouse du marcassin, car à son âge, on ne se marie pas.
Gaston rougit à cette petite rebuffade, mais sa rougeur se
dissipa vite et l’instant d’après, à ce que j’augurai, il n’y pensait déjà
plus, tant les impressions sur lui étaient vives, mais peu durables.
Physiquement, il n’était pas sans ressembler à son frère aîné, ayant comme lui
les yeux noirs et une longue mâchoire, mais à la différence de Louis, qui
portait sur le visage une expression ferme et fermée, celle de Gaston était
joueuse, malicieuse et un peu molle.
— Mais, Sire, osa dire Chrétienne d’une toute petite
voix, qu’est-ce qu’un marcassin ?
— C’est le petit d’un sanglier, dit Louis.
— Et comment grosse est une marcassine ? dit Madame qui trouvait que Chrétienne avait eu bien de l’impertinence de prendre la
parole, alors quelle n’avait que huit ans.
— Cela dépend de son âge, dit Louis, mais celle-ci
avait la taille d’un chat. Elle était nourrie en la cuisine par un de mes
porteurs d’eau, Bonnet, et comme il l’avait recueillie toute petite, elle le
prenait pour sa mère et l’aimait beaucoup.
— Et pourquoi pour sa mère ? dit Chrétienne.
— Parce que les petits des animaux sont nourris par
leur mère, dit Louis qui était bien placé pour savoir qu’il n’en était pas de
même pour les petits des rois. Or, poursuivit-il, le pauvre Bonnet tomba d’une
fenêtre et se tua. C’était le soir. On rapporta son corps dans ladite cuisine
et la petite marcassine se coucha toute la nuit contre lui en gémissant. Le
lendemain, on vint enlever Bonnet pour le porter en terre et, après qu’il fut
parti, la petite marcassine le cherchait partout et, ne le trouvant pas, refusa
obstinément toute nourriture, tant est qu’enfin elle mourut.
— Voilà qui est fort triste, dit Madame, et des
larmes apparurent aux coins de ses yeux, mais elle les y retint pour ne point
déplaire à son aîné.
— Mais Sire, dit Gaston qui était gros mangeur, comment
peut-on refuser de manger, quand on a faim ?
— C’est que le chagrin vous ôte l’appétit, dit Louis.
— Si la petite marcassine était devenue grande, dit
Chrétienne, l’eût-on pas mangée, elle aussi ?
— Mille fois non ! s’écria Madame avec
indignation.
— Madame, dit Louis en se tournant vers elle, il est
disconvenable de crier à la table du roi.
— Je vous demande pardon, Sire, dit Madame en
rosissant.
— Vous êtes pardonnée, dit vivement Louis en posant un
instant sa main sur la menotte de Madame. Mes enfants, reprit-il, je
vais maintenant vous lire des vers que j’ai écrits sur la mort de la petite
marcassine.
Et tirant un billet de l’emmanchure de son pourpoint, il le
déplia, toussa et lut sans bégayer le moindre et en prononçant toutes les
syllabes avec le plus grand soin :
Il y avait
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