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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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l’endroit de Madame de
Lichtenberg.
    Assise sur sa chaire à bras accoutumée, elle était à sa
collation mais cette fois la chaleur avait eu raison de sa basquine, de son
corps de cotte et de son vertugadin, sorte de cuirasse dont elle aimait être
par moi démantelée, une fois que le rite du goûter étant clos, elle se retirait
dans sa chambre. Pour une fois, elle n’était vêtue que d’une robe du matin fort
légère et fort lâche qui ressemblait à un péplum antique et laissait nus son
cou, une partie de ses épaules et ses bras. J’observai que ses pieds dont
j’admirais l’élégance, étaient nus eux aussi, deux petites mules ajourées se
trouvant rejetées, malgré leur joliesse, à côté d’elle sur le tapis de Turquie,
la chaleur rendant leur contact insufférable.
    Je lui baisai la main, je lui trouvai en cette vêture
inhabituelle des charmes infinis, je l’enveloppai de mes regards et de son côté
on eût dit que le message de mes yeux, auquel elle eût dû pourtant s’attendre,
la prenait par surprise, car bien que ses mains fussent demeurées fermes tandis
quelle tartinait sa galette, elle battit des cils et ses boucles d’oreilles se
mirent à osciller, me comblant d’aise par leur imperceptible branle.
    Toutefois, tandis que je prenais place à ses côtés, elle ne
tarda pas à sentir la mésaise dans laquelle je me débattais et me dit de sa
voix basse et musicale :
    — Mon Pierre, qu’avez-vous ? Vous n’êtes point
dans votre assiette.
    — C’est que je suis, comme tout un chacun, préoccupé
par la révolte des Grands.
    — Eh quoi ! dit-elle. Eux encore ! Je croyais
qu’on leur avait donné ce qu’ils voulaient.
    — En effet, mais comme on le pouvait prévoir, ils
veulent à s’teure davantage… Raison pour laquelle ils ne sont pas revenus à la
Cour, comme ils avaient promis. Le duc de Bouillon est demeuré à Sedan. Le duc
de Nevers, à Nevers. Le duc de Longueville, à Mézières et le duc de Vendôme en
Bretagne, où il a le front de se fortifier contre le pouvoir royal. Quant au
prince de Condé, il est allé prendre possession d’Amboise et là, fort de
quelque noblesse et d’un régiment, il a tenté de se saisir de Poitiers. Mais
là, il s’est heurté à l’évêque du lieu, homme fort résolu, qui lui ferma au nez
les portes et supplia incontinent la reine de le dégager, car le prince
muguetait les alentours de la ville.
    — Muguetait ? Qu’est cela, mon ami ? dit
soudain Madame de Lichtenberg.
    — Cela signifiait autrefois faire la cour à une dame,
mais à s’teure, cela veut dire « harceler » en langue militaire.
    — Ah ! Mon Pierre ! dit la Gräfin avec
un subit accès de gaîté et un rire clair et joyeux, mugueter ! Comme cela
est joli ! Mon Pierre, m’allez-vous mugueter ? C’est la première fois
que ce joli mot sonne à mes oreilles !
    — À vrai dire, m’amie, il est un peu vieilli dans son
acception première. Cependant Ronsard disait encore d’Ulysse qu’il rêvait
profondément.
     
    Comme il se
vengerait de l’amoureuse trope [47]
    Qui chez lui
muguetait sa femme Pénélope.
     
    — Mais revenons à nos moutons, mon Pierre. Que va faire
la régente devant ces nouveaux empiétements des Grands ? Va-t-elle encore
céder ?
    — Nenni, m’amie, c’en était trop. Même pour quelqu’un
ayant vue basse et obtuse cervelle, il devenait clair que l’appétit des Grands
avait grandi par l’avoine même dont on le nourrissait. Villeroy n’eut aucune
peine à remontrer à la reine que si cette fois elle laissait faire, Condé en
agirait à son égard comme Guise autrefois avec Henri Troisième : il lui
grignoterait une à une ses villes. Voire ses provinces. Car l’émule de Condé,
ce petit bougre de Vendôme, tâchait de faire comme son beau-père [48] autrefois : il ambitionnait de
se tailler en Bretagne un fief indépendant. « Madame, dit Villeroy à la
reine, si nous n’agissons pas, nous allons perdre Poitou et Bretagne. »
    — Et agit-elle ?
    — Oui-da ! Et cette fois quoi qu’aient dit et quoi
qu’aient fait les maréchaux d’Ancre lesquels, pour l’instant, sont en
demi-disgrâce. Mais hélas, j’opine que cela ne durera guère.
    — C’est donc la guerre ! dit-elle avec un sourire.
    — Pas tout à fait. C’est un grand voyage à l’Ouest. La
Cour, suivie et précédée par ses régiments de gardes et six mille Suisses, va
visiter une à une les villes de la rivière de

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