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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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portant fort peu d’attention et encore moins
d’esprit de suite aux affaires de l’État. Mais surtout, son jugement était
pauvre et confus. Inaccessible à la raison, et par voie de conséquence aux
raisons que lui donnaient ses conseillers, elle croyait l’un, et elle croyait
l’autre, et un autre encore, et tous trois quasi à l’aveuglette. Et pour ce
qu’elle ne se conduisait jamais d’après des principes assurés, et en même temps
se nourrissait d’un sot orgueil, elle se montrait en ses politiques tour à tour
opiniâtre et changeante. L’étant toujours à contretemps, elle perdait deux
fois : s’entêtant quand il eût fallu être souple, et modifiant ses
desseins quand il eût mieux valu tenir ferme.
    Il est vrai que la Conchine, bien plus d’ailleurs que son
mari, disait son mot sur toutes choses, mais sur les affaires d’État il s’en
fallait qu’elle l’emportât à tout coup. Elle devait partager son influence avec
la duchesse de Guise, la princesse de Conti, le duc d’Épernon, l’intendant
Barbin, le président Jeannin, et surtout les ministres Villeroy et le
chancelier de Sillery, lesquels eussent été les plus écoutés, s’ils ne
s’étaient pas tant haïs, leurs avis perdant beaucoup de force du fait qu’ils
s’opposaient toujours.
    Le dernier, mais non le moindre de ces conseillers, le père
Cotton, qui en tant que confesseur du petit roi, avait un accès facile auprès
de la reine-mère, impressionnait son âme dévote par sa suave persuasion, et il
n’y a pas à douter que son influence, soutenue par le nonce apostolique et
l’ambassadeur d’Espagne, ait été déterminante quant à la conclusion des
mariages espagnols.
    Le triumvirat poussait maintenant de toutes ses forces à
l’échange des princesses, alors même que tant de presse n’était pas nécessaire,
la reine y inclinant elle-même avec passion. Peu lui importait l’engagement
qu’avait pris notre Henri par le traité de Brusol de donner Madame en
mariage au fils du duc de Savoie, et moins lui chalait encore que les mariages
espagnols tournassent le dos aux alliances protestantes de son défunt mari.
    Pourtant, il y avait encore dans le royaume d’assez fortes
réticences. Le moment paraissait mal choisi. Les états généraux s’étaient clos
sans aboutir. Les députés avaient tous aspiré à rhabiller les abus, mais, on
l’a vu, chacun des trois ordres voulait retirer la paille qu’il voyait dans
l’œil de l’autre, mais sans qu’on touchât à sa propre poutre. Et à peine les
députés s’étaient-ils dispersés dans la grogne et le rechignement que Marie,
avec sa coutumière légèreté, donnait une grande fête, fort belle et fort
dispendieuse, pour célébrer l’exil perpétuel de Madame. « Il faut
bien, disait-elle, attribuant cette initiative à la pauvre Élisabeth, que ma
fille donne une fête au public avant son départ pour l’Espagne et que les
Parisiens se souviennent d’une princesse que la France va perdre. » À ouïr
de sa bouche une phrase aussi froide que fausse, je me demandai si la mère
d’Élisabeth se « souviendrait » longtemps de la fille qui pour
toujours l’allait quitter.
    Le clou de cette fête fameuse fut le Ballet de Madame, dansé
par ce que la Cour comptait de plus beau chez les deux sexes. Il était en outre
chargé de mimes, de symboles et d’allégories, qui célébraient à l’envi les
succès présents et à venir de la régence : l’heureuse entrée du roi en
majorité, la réunion autour de lui des princes réconciliés, la tranquillité des
états généraux, le futur fils issu du futur mariage de Madame et du
prince des Asturies (comme on voit, il n’était pas question qu’ils eussent une
fille !), l’empire que détenait maintenant la France et sur terre et sur mer,
et par voie de conséquence, « la ruine du turban », entendez par là
l’anéantissement de la religion musulmane : prédiction d’autant plus
optimiste que, depuis la mort d’Henri IV, on n’avait construit que fort
peu de galères pour lutter contre les Barbaresques.
    Après la danse venaient les vers, qui, écrits sur ordre par
Malherbe, que Marie pensionnait, complétaient ce plaisant tableau par une
prophétie idyllique :
     
    Un siècle
renaîtra, comblé d’heur et de joie.
    Tout y sera
sans fiel comme au temps de nos pères.
    Et même les
vipères
    Y piqueront
sans nuire ou ne piqueront pas.
     
    En attendant ce délicieux Éden, plus

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