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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’une vipère continuait
à piquer la reine-mère. Il n’y avait pas un mois que les beautés de la Cour
avaient dansé le Ballet de Madame, que le Parlement présentait au roi
des remontrances qui, sous de transparentes périphrases, attaquaient avec la
dernière vivacité le mauvais gouvernement de Marie. Tout y passait : le
rejet de l’article premier du Tiers, l’abandon des alliances protestantes, la
place exorbitante occupée dans l’État par des personnes qui n’étaient pas des
« naturels français », les concussions des conseillers d’État, les
ententes secrètes du clergé français avec le nonce, et enfin le pillage et la
dissipation du Trésor de la Bastille.
    La reine défendit tout de gob au Parlement de
« s’entremêler à l’avenir des affaires de l’État ». Mais le venin
restait dans la plaie, et Condé dans un manifeste reprenait avec plus de
virulence encore les griefs du Parlement, arguant au surplus du fait que les
protestants français s’inquiétaient fort d’une union si intime entre la France
et les Habsbourg, y voyant le présage d’une inquisition et d’une persécution
dont ils seraient à nouveau les victimes. Il demandait la surséance des
mariages espagnols. Il ne disait pas : « jusqu’à ce que le roi pût
être maître de ses volontés », mais il le laissait entendre.
    Là-dessus, les ministres étaient divisés. Le chancelier de
Sillery pressait fort l’échange des princesses, mais Villeroy et Jeannin se
prononçaient pour le retardement, appuyés par le maréchal d’Ancre, non pas pour
des raisons d’État, mais pour des motifs personnels, car Condé et les princes
ayant quitté la Cour et s’armant derechef, le Conchine redoutait avant tout
qu’une guerre ouverte éclatât entre la reine-mère et les Grands : auquel
cas il pensait que la paix se ferait sur son dos.
    La reine fut outrée que le mari de sa favorite prit parti
contre des mariages qui lui tenaient tant à cœur. Elle l’exila dans son
gouvernement d’Amiens, et fit grise mine à la Conchine, qui toutefois voulut à
force forcée l’accompagner en ce voyage, dans l’espoir de retrouver peu à peu
son crédit.
    La reine leva deux armées, l’une pour surveiller les
princes, l’autre pour accompagner le roi et Madame en Guyenne. Pour une
fois, elle faisait face et se montrait énergique, mais cette énergie ne pouvait
que faire long feu, car elle n’était pas inspirée par une politique cohérente,
conçue pour le bien du royaume, mais par une passion d’ordre privé. Fille d’une
archiduchesse autrichienne et petite-nièce de Charles Quint, rien dans le vaste
monde ne lui paraissait plus grand, plus beau, plus noble que d’allier fils et
fille au sang qui était le sien. S’il y avait des arrière-pensées politiques à
ces mariages, elles étaient dans l’esprit du père Cotton, du nonce apostolique
et de l’ambassadeur d’Espagne, mais dans une fort faible mesure dans le sien,
lequel éprouvait toutefois une sorte de contentement à l’idée qu’en poussant
les projets matrimoniaux qu’elle chérissait, elle faisait en même temps plaisir
aux évêques de France et au pape.
     
    *
    * *
     
    Le départ pour le voyage en Guyenne pour l’échange des
princesses étant à la parfin résolu et fixé au dix-sept août, j’eusse bien
voulu que le marquis de Siorac derechef m’accompagnât, mais cela ne se put
faire, car son épouse, Angelina, se trouvant atteinte d’une fièvre lente, il
désira demeurer auprès d’elle à Montfort-l’Amaury, tant pour la soigner que
pour lui apporter le réconfort de sa présence. Néanmoins, il donna congé au chevalier
de La Surie de se joindre à moi s’il le désirait, l’assurant qu’en son absence,
étant sur place, il veillerait sur son domaine comme sur le sien. À ouïr cette
promesse, le chevalier bondit de joie, tant il était raffolé de se trantoler
sur les grands chemins de France tout en me donnant le bénéfice de sa plaisante
et gaussante compagnie.
    Comme le partement pour la Guyenne avait été d’abord prévu
pour le premier août, tous mes préparatifs depuis beau temps se trouvaient
achevés quand, le quinze août, j’allai voir, sur sa prière, en son hôtel, à
trois heures de l’après-dînée, Madame de Lichtenberg.
    Je la trouvai à sa collation, mais ne mangeant point, les
mains inertes reposant sur son giron et un air de mélancolie répandu sur son
beau visage. À sa vue, et sans que je pusse

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