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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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elle.
    — Mais cette lettre, dit-elle brièvement, me fut
odieuse à moi-même, tant elle était sèche. Toutefois, elle ne pouvait qu’elle
ne le fût. Car peu auparavant, j’avais reçu de Bassompierre un billet où il me
recommandait d’être très circonspecte, si je venais à écrire à « mes
anciens élèves d’allemand » (pluriel qui vous désignait), et qu’il m’en
dirait la raison au bec à bec dès qu’il serait de retour en Paris. Ce qu’il a
fait.
    — Et quand cela ?
    — Hier, étant parvenu à la capitale un jour avant vous.
    — Diantre ! Si promptement ! Il est parti de
Tours le même jour que moi !
    — C’est qu’à Paris, il y avait pour lui un puissant
aimant : une belle veuve de haute lignée ; raison pour laquelle il
n’a pas comme vous lambiné en chemin…
    — Je n’ai point lambiné, m’amie. J’assurais le gîte aux
étapes.
    — Petite picoterie, mon Pierre ! dit-elle en
riant. Ne vous offensez pas !
    Et posant sur mes rêches joues ses mains veloutées, elle me
piqua de petits poutounes partout sur le visage. Ces manières-là me
ravissaient. Elles lui étaient venues, les années passant, avec l’assurance
qu’elle pouvait faire fond sur mon amour. Car dans les premiers balbutiements
de notre attachement, je l’avais connue si sérieuse et si réservée que j’osais
à peine l’aimer tout mon saoul. Mais se sentant à la parfin plus à l’aise avec
moi, et sans renoncer à la gravité, qui était le fond de son caractère, elle ne
laissait pas quand et quand d’être joueuse, rieuse et taquinante. On eût dit
qu’elle ne me baillait de sa petite griffe que pour me donner ensuite le
plaisir de sa patte de velours.
    — Bref, reprit-elle, Bassompierre me visita et me conta
un conte qu’il dit tenir de Monsieur de Sauveterre, valet de garde-robe et
huissier de la reine-mère.
    — Je connais cet habile homme. Il s’est fait dans sa
charge plus de cent mille écus. Voyons ce qu’il a confié à notre ami.
    — Il gardait, comme à l’accoutumée, l’huis de Marie,
quand Marie et les maréchaux d’Ancre vinrent à parler de Luynes. Ils
s’effrayaient de l’influence grandissante qu’il avait sur Louis, et tombèrent
d’accord sur la nécessité de l’éloigner de lui. Toutefois, ils différaient sur
le moyen. Fallait-il persuader Louis de se séparer de son oiseleur, ou
fallait-il que sa mère l’y contraignît ?
    — Diantre ! Que de respect ce trio florentin
montre pour le roi de France ! Il est majeur et marié, mais on surveille
ses amitiés ! On se dit prêt à y porter le fer ! Et devant un
huissier !
    — Justement ! ils s’étaient tant accoutumés à le
voir debout devant son huis qu’ils ne l’avaient pas vu. Craignant alors qu’il
eût tout ouï, ils prirent le parti de l’instruire de leur projet afin de
s’assurer de son silence. Sauveterre tâcha de prime de défendre Luynes, mais
voyant que la reine-mère était convaincue qu’il fallait « que Luynes ou
elle-même s’en allât », il feignit de se ranger à son avis et demanda à la
reine si elle avait quelqu’un sous la main pour remplacer le favori, « car
enfin, dit-il, le roi a par deux fois témoigné qu’il aurait un favori :
d’abord, le chevalier de Vendôme, et maintenant, Luynes. Que ferez-vous si,
Luynes parti, il en choisissait un troisième sans que Votre Majesté fût partie
à ce choix ? ».
    — Adroite question, dis-je. Il lui faisait craindre par
là de tomber de Charybde en Scylla.
    — La reine et les Conchine énumérèrent alors les
favoris possibles, d’après les rapports de Monsieur de Blainville. Qui est
Blainville, mon Pierre ?
    — Le traître, en cette histoire. Il est guidon des
gendarmes du roi. Il voit et il oit tout. On ne peut quasiment rien faire sans
qu’il le hume ou le renifle. Et ayant reçu grâce à Conchine le brevet des
affaires du roi, il a ses entrées partout sans avoir à demander l’entrant.
C’est, en un mot, l’espion le plus bas et le plus avisé qui ait jamais rampé
sur la surface de la terre.
    — Revenons, reprit Ulrike, aux favoris possibles selon
Blainville. D’abord, un garçon de la Chambre, nommé Haran.
    — Cela ne se peut ! dis-je en haussant les
épaules. Il n’est pas noble. Même s’il lui fait bon visage, Louis ne le prendra
jamais pour favori.
    — On nomma ensuite le marquis de Courtenvaux.
    — Celui-là est possible. Outre que le roi le voit d’un
bon

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