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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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leur en a gardé une fort mauvaise dent.
    — Eh quoi ! dis-je. Est-ce l’araignée qui va
défaire les Barbons ?
    —  Assurément. Et je le tiens de source sûre, de
Villeroy, lequel j’ai visité avant-hier en sa maison de Conflans, le voulant
consoler, car j’augurais qu’il n’y aurait pas foule à l’huis d’un ministre en
demi-disgrâce. Pour Villeroy, la Conchine ne lui a jamais pardonné d’avoir,
dans les négociations de Loudun, enlevé Amiens au maréchal d’Ancre.
    — Mais, dit La Surie, le maréchal d’Ancre a reçu
d’immenses compensations : la Normandie, Caen, Pont-de-l’Arche,
Quillebeuf !…
    — Miroul, dit mon père, tu ne saurais imaginer le fol
orgueil de cet homme de rien ! On ne peut toucher quelque peu à cette
montagne sans qu’elle fume de colère. Lui enlever Amiens, c’était quasiment à
ses yeux un crime de lèse-majesté !
    — Et Sillery ? dis-je.
    — Pour Sillery, dont la perte est déjà consommée, la
mauvaise dent remonte, si j’ose ainsi m’exprimer, à quelques mois, au moment du
partement de la Cour pour le voyage en Guyenne. Conchine voulait la surséance
des mariages espagnols, et Sillery ne la voulait pas, ayant en cette affaire la
reine-mère pour lui. Il l’emporta. Conchine fut exilé à Amiens, comme vous
savez. Et bien que ce fût la reine qui décida cet exil, sans que Sillery y mît
la patte, ce fut pourtant au Barbon que le Conchine fit la barbe…
    — C’est qu’il ne pouvait encore disgracier la reine,
dit La Surie.
    À quoi nous rîmes, mais seulement de la moitié de la bouche,
tant le pouvoir grandissant de Conchine nous inquiétait.
    — Et quels seraient les nouveaux ministres ?
repris-je.
    — Barbin, Mangot, peut-être Luçon.
    — Et qui est ce Luçon ? demanda La Surie.
    — Faut-il vous le ramentevoir ? L’évêque de Luçon,
Richelieu. C’est Barbin qui l’a présenté à Concini, et Richelieu, pour gagner
la faveur du favori, lui a léché les mains.
    — Luçon est-il si bas ?
    — Point du tout. Il est même fort haut. Mais il aspire
au pouvoir. Déjà aux états généraux, il avait revendiqué pour les
ecclésiastiques l’honneur de faire partie des Conseils du roi, car ils en ont,
avait-il dit, « la capacité, la probité et la prudence ».
    — Et à qui donc pensait-il en disant cela ? dit La
Surie d’un air naïf.
    À cet instant, précédée de ses énormes tétins, Mariette
entra dans la librairie pour nous annoncer qu’elle était « pour servir la
repue ». Et nous voyant rire de la saillie de La Surie, elle ajouta :
    — À la bonne heure ! Rien de tel qu’un rire
flambant pour vous aiser les tripes de la cervelle ! Vous allez manger à
gueule déployée, Messieurs mes maîtres, et mon Caboche sera content !
    Nous nous assîmes et Mariette, passant de l’un à l’autre,
nous servit une large tranche d’un rôt fumant et odorant, insistant à chaque
fois pour que « tant qu’à faire », elle nous en donnât deux, cette
proposition étant accompagnée d’un tel flot de paroles qu’il engorgea nos
oreilles au point de nous rendre quasi sourds dans l’instant.
    — Mariette ! dit mon père, d’une chose je suis
sûr : quand tu failliras par le bec, on traversera la Seine à sec… Va, ma
belle, retrouver ton Caboche, et ne reviens céans que je ne t’appelle.
    Dès que Mariette fut hors la salle, moins rabattue d’être
rebuffée que chatouillée d’être appelée « ma belle » par le marquis
de Siorac, La Surie reprit :
    —  Quid de ces ministres qui nous pendent au
nez ? Quels sont ces homi novi  ?
    —  Homines novi [87] , dit
mon père.
    —  Homines novi, répéta La Surie en rougissant
quelque peu, se piquant de son latin, se l’étant appris seul.
    — Des hommes jeunes encore, habiles, et qui ne manquent
pas de pointe. En particulier Barbin et Luçon. Luçon est un homme de beaucoup
d’esprit, et il n’a que trente ans.
    — Monsieur mon père, dis-je, d’où tenez-vous que Luçon
ait flagorné Concini ?
    — De Villeroy. Luçon aurait écrit au favori une lettre
assez servile où il lui aurait offert ses services.
    — Cela me fâche. J’ai admiré ses prêches.
    — Babillebahou, mon fils ! Luçon est un
politique ! Et les politiques n’hésitent jamais à s’agenouiller pour
grandir.
    — Et d’autant que l’agenouillement vient de soi à un
prêtre, dit La Surie.
    — Fi donc, Miroul ! dit mon père. Ce propos sent
la

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