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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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caque ! Le mauvais dans ce changement de ministres s’il a lieu, ce
n’est point que les homines novi soient moins bons que les Barbons. Tout
le rebours ! C’est que le monde entier les tiendra, à juste titre, pour
les créatures du Conchine.
    — Le voilà donc le maître ! dit La Surie.
    — Nenni. Rien n’est encore joué. J’ai ouï dire que
Condé va revenir à la Cour dans toute sa puissance et sa gloire. Il sera chef
du Conseil du roi et il aura la plume.
    —  Qu’est cela ? dit La Surie.
    — Il signera les décrets du Conseil.
    — Quoi ? En lieu et place de la reine-mère ?
    — Eh oui ! Elle a même consenti à cela, tant elle
est aveugle !
     
    *
    * *
     
    Quelques jours plus tard, le vingt juillet, par un soleil
éclatant, le prince de Condé fit son entrée à Paris. Il fut accueilli avec
enthousiasme par le peuple, avec une joie plus discrète par le Parlement, et
avec toutes les apparences du contentement par la reine-mère.
    Les princes, après lui, revinrent quasiment tous à la Cour,
et avec eux, par malheur, le duc de Bouillon, dont j’ai déjà dit qu’il eût dû
s’appeler « Brouillon », étant le plus infernal intrigant du royaume,
et ayant conquis sur Condé un ascendant tel et si grand qu’il ne lui fallait
pas plus de dix minutes pour changer ses résolutions en leurs contraires.
    Si Condé eût possédé une once de bon sens dans sa tête
incertaine, où plans et projets se succédaient sans qu’il s’arrêtât jamais à
aucun, il se fût considéré comme le plus heureux des hommes. Il présidait le
Conseil du roi, il en signait les décrets, il partageait l’autorité suprême
avec la reine-mère, et à bien observer un signe qui ne trompe guère, il avait
même la meilleure part : les solliciteurs, au lieu de s’adresser au
Louvre, assiégeaient désormais son huis, pour remettre à ses secrétaires les
placets, les requêtes et les suppliques, lesquels à sa guise Condé contentait
ou ne contentait point.
    Ce n’est pas que Condé eût voulu absolument s’agrandir
au-delà du rôle qu’il jouait déjà, mais les Grands le pressaient d’aller plus
outre, étant avides d’avoir eux-mêmes une plus grande place dans l’État et une
plus grande part à la manne des finances. Et jugeant que le principal obstacle
à leur ardent désir était Conchine, dont ils avaient pris en grande haine la
personne et l’élévation, ils conçurent d’arrêter le Florentin, de le
séquestrer, voire, s’il le fallait, de l’assassiner. Condé, menacé par Bouillon
d’être abandonné par les siens s’il ne se joignait pas à eux, décida de les
suivre dans une voie où, quant à lui, il n’avait rien à gagner, et d’autant que
Conchine, comme on l’a vu, l’avait toujours aidé et ménagé.
    Dans les galeries et les degrés du Louvre, les nouvelles
sortent quasiment des murs pour bourdonner à vos oreilles, mais parmi elles il
y en a tant de fausses que j’hésitais à en croire aucune. Et bien que j’eusse
ouï quelque rumeur de ces remuements des princes, je n’en eus de connaissance
précise qu’au cours d’un souper au bec à bec avec ma bonne marraine, la
duchesse de Guise. Il eut lieu le sept août, et si j’en peux citer la date,
c’est que ce même jour, à cinq heures de l’après-midi, dans l’appartement du
roi, j’assistai à l’audience que donna Louis à My Lord Hayes, ambassadeur
extraordinaire du roi Jacques I er d’Angleterre, lequel Lord
était un grand gros homme, qui bégayait beaucoup et dont la face était aussi
rouge et large qu’un jambon. Après avoir félicité le roi de son mariage, il lui
toucha mot d’un projet d’union entre le prince de Galles et Chrétienne [88] . J’observai que Louis fut avec ce
Lord anglais infiniment plus chaleureux qu’avec les grands dignitaires
espagnols qu’il avait eu l’occasion de rencontrer, montrant par là que tout
dévot qu’il fût, il préférait un Anglais gallican à un Espagnol catholique.
    Mon souper le soir même avec Madame de Guise fut non moins
mémorable. Monsieur de Réchignevoisin, le bedondainant majordome de ma bonne
marraine, me montrait une grande considération depuis que j’avais acquis ma
charge de premier gentilhomme de la Chambre. M’accueillant d’une façon quasi
caressante, il me conduisit dans le dédale de l’hôtel de Guise, tandis que
trottinait à nos côtés le nain dont il était amoureux et qui, levant la tête,
dardait d’en bas sur

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