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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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d’aide-jardinier et de peintre. Mais
comme il ressortit de ce conciliabule qu’outre notre carrosse, les portes, les
fenêtres et les volets de notre hôtel parisien, de notre seigneurie du Chêne
Rogneux et du manoir de La Surie, exigeaient depuis longtemps que la couleur
vînt protéger le bois, le plateau de la balance pencha en faveur de Luc et nous
partîmes pour Reims, deux jours avant la Cour, dans un équipage qui brillait de
tant de feux que même la boue des routes n’eût osé les ternir.
     
    *
    * *
     
    L’étiquette voulait que la Cour appelât ma bonne marraine
« la duchesse douairière de Guise » pour la distinguer de sa bru, la
duchesse régnante de Guise, la femme de Charles, son fils aîné. Et encore
qu’elle détestât cette appellation qui, disait-elle, « la vieillissait
avant l’âge », elle ne faillit pas de la revendiquer haut et clair, quand
il s’agit de prendre place dans le carrosse de la reine pour faire le voyage de
Paris à Reims, honneur auquel les autres princesses du sang n’eussent pas
manqué d’aspirer, si ma bonne marraine n’eût pris les devants avec tant de
décision et d’autorité.
    Ce fut là une des petites querelles auxquelles donna lieu le
sacre de Louis, la plus grave s’élevant entre le prince de Condé et le cardinal
de Joyeuse, lequel refusa d’être nommé par le petit roi Chevalier du
Saint-Esprit après le prince de Condé, les cardinaux passant avant les
princes du sang selon le protocole.
    C’était bien la règle, en effet. Mais la reine la viola sans
le moindre tact, ayant moins peur du cardinal de Joyeuse que de Condé qui
menaçait de quitter la Cour pour lever des troupes contre elle. Et elle la
viola derechef, au grand scandale de toute la Cour, quand le tout nouveau
marquis d’Ancre prétendit, pendant la cérémonie, passer avant Bellegarde qui
était duc et pair.
    Elle dépêcha Bassompierre à Bellegarde pour lui dire de
céder le pas. Ce que fit de fort mauvaise grâce Monsieur le Grand [7] ,
tout bon courtisan qu’il fût. Et il se vengea incontinent en parodiant le mot
célèbre de Sully : « Impudence et arrogance, dit-il à Bassompierre sotto
voce, sont les deux mamelles de Concini. Quant à celles de Leonora,
poursuivit-il, je suis le seul à les avoir vues en son antre et tout à fait
sans l’avoir désiré. Elles sont d’une platitude à faire peur, sauf quand elles
se gonflent sous l’effet de la vanité comme grenouilles jumelles. Savez-vous
qu’elle s’est commandé, pour le sacre, un grand carrosse doré qui, par sa
magnificence, égale, s’il ne surpasse, celui de Sa Majesté ? »
    À ce que j’ouïs dire, la Cour s’ébranla pour Reims le deux
octobre par une chaleur qui n’était point de saison. L’embarras des équipages
et des charrois se trouva tel et si grand qu’il lui fallut cinq bonnes heures
pour traverser Paris. Je dis « j’ouïs », et non « je vis »,
car nous étions partis, mon père, La Surie et moi (nos deux soldats nous
suivant à cheval) deux jours auparavant, jugeant bien que si nous partions en
même temps que cette longuissime caravane, nous n’allions plus trouver chambre
aux étapes sinon sales, puceuses, pouilleuses et fort chères, ni d’ailleurs, le
moindre rôt en nos assiettes, ni foin ni avoine pour nos chevaux, ni
maréchal-ferrant pour les ferrer. Sans compter l’incommodité de marcher au pas
dans un cortège royal qui s’étirait sur trois bonnes lieues au moins, le
chanfrein des chevaux touchant quasiment le cul du carrosse précédent. Sans
compter aussi, la route étant fort sèche par ce beau temps, un épais nuage de
poussière dont nos yeux, nos gorges et nos poumons ne pourraient s’accommoder.
    À Reims, nous ne logeâmes ni en auberge, ni ès couvent, ni
chez l’habitant – la moindre chambre, cellule, chambrifime, cabinet,
galetas, étant retenue depuis longtemps, et celles qui restaient libres
s’élevant à des prix à faire frémir un huguenot. Mais mon père nous trouva gîte
et couvert chez un ancien compain et condisciple de l’École de médecine de
Montpellier (la meilleure du monde avec celle de Salerne), le révérend docteur
médecin Carajac, lequel était chirurgien en même temps que médecin – chose
rare, car d’ordinaire, le médecin déprise la chirurgie, art à ses yeux trop
mécanique.
    Carajac avait fait de son fils un apothicaire, tant est qu’à
eux deux, il n’était guère à Reims de fils de bonne mère qui

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