Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
un page à Conchine pour lui dire
que Sa Majesté l’attendait dans le cabinet des armes.
    Ce matin-là, à huit heures et demie, Louis se rendit dans la
Petite Galerie, où il se mit à jouer au billard, et quand je vins le saluer à
neuf heures, il me pria de me joindre à lui, ce que je fis, encore que mon jeu
assurément ne fût point à la hauteur du sien. Par extraordinaire, il le fut ce
jour-là. Je ne jouai pas mieux qu’à l’accoutumée, mais Louis jouait beaucoup
plus mal. Non que sa main tremblât, mais il ne visait pas avec assez de soin,
et il ne mesurait pas non plus avec assez de précision l’effet qu’il voulait
donner à sa boule pour qu’elle pût toquer les deux autres. En outre, de quart
d’heure en quart d’heure, il jetait un œil à la montre-horloge que pour une
fois il portait en sautoir comme la mode en était. Cependant, la pluie
continuait à tomber avec une obsédante monotonie et tandis que nous jouions,
son crépitement ininterrompu irritait les nerfs à l’extrême. De ma vie je n’ai
jamais joué si longtemps au billard, ni avec moins de plaisir. Pour finir, le
carillon de la Samaritaine, sur le Pont Neuf, sonna midi lugubrement, et Louis,
jetant la queue de billard sur le tapis vert, dit entre ses dents :
« Il ne viendra plus. Allons à messe. » Et il dirigea ses pas, moi le
suivant, vers la chapelle de l’hôtel du Petit Bourbon.
    La messe finissait quand Dubuisson vint lui dire à l’oreille
que Conchine venait d’entrer dans le Louvre, et montait chez la reine-mère par
le grand degré. Le roi dépêcha aussitôt un messager pour le prier de se rendre
au cabinet des armes, mais pendant que le messager montait en courant le grand
degré, Conchine descendait par le petit viret, sortait du Louvre et rentrait
chez lui. L’affaire était manquée.
    Dès l’après-dînée, le Conseil secret se réunit chez Luynes
et là, Vitry fit merveille par sa clairvoyance et son attention aux détails.
    — Sire, dit-il de sa voix rude dont il essayait en vain
d’assourdir les puissantes sonorités, il faut revoir notre plan. Il est trop
compliqué. À midi, Conchine est entré au Louvre par la Porte de Bourbon ;
il est passé à moins d’une toise de nous et nous eussions pu alors
l’arrêter ; et qui nous en empêcha ? Notre plan. Car il fallait de
prime que Dubuisson vous prévînt et que vous, Sire, dépêchassiez un messager
pour dire à Conchine de venir vous retrouver dans le cabinet des armes. Le
messager, ce jour-là, n’a pu le joindre. Mais Sire, supposez que demain il le
puisse trouver et lui transmettre votre invitation. Est-il bien assuré que
Conchine y va déférer ? Je le décrois ! Ne va-t-il pas se ramentevoir
que c’est ainsi qu’on a arrêté le prince de Condé : en le mandant dans les
appartements de la reine-mère. Comment Conchine pourrait ignorer, Sire, que
vous ne l’aimez pas, alors que toute la Cour le sait ? À mon sentiment, il
sera de prime fort étonné par votre invitation, laquelle, justement parce
qu’elle est aimable, lui mettra la puce à l’oreille. Il se méfiera et point ne
viendra, j’en donnerais ma tête à couper. Se peut même que, s’il a des projets
contre vous, il sera assez effrayé alors pour en presser l’exécution.
    Louis, les deux mains reposant immobiles sur ses genoux, et
fichant ses beaux yeux noirs dans ceux de Vitry, écouta ce véhément discours
avec une attention extrême. Quand il fut fini, il dit tout uniment :
    — C’est raison. Et à raison il faut se rendre. Monsieur
de Vitry, quel autre plan proposez-vous ?
     
    *
    * *
     
    Belle lectrice, si vous vivez dans une de nos belles
provinces de France et n’avez jamais mis le pied dedans le Louvre, il faudrait,
pour bien entendre le plan de Vitry, que vous sachiez comment on y pénètre. Je
pourrais, assurément, vous prier de vous reporter au chapitre VII de ces
Mémoires et d’en relire les premières pages. Mais comme je désire avant tout
votre affection, j’ai choisi de vous épargner la peine, fût-elle légère, de
feuilleter à rebours mon livre, et vais vous dire, en bref, ce qu’il en est.
    On entre dans le Louvre par la porte dite « la grande
Porte de Bourbon », laquelle est flanquée à dextre et à senestre de deux
grosses tours rondes, anciennes et rébarbatives. À supposer qu’on déclose les
deux battants de la grande Porte de Bourbon – lesquels par leurs affreux
grincements ne manqueront pas de tourmenter vos

Weitere Kostenlose Bücher