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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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mariez, ou elle vous ruine.
Assurément aujourd’hui, vous ne vous étiolez plus en exil. Assurément, vous
êtes libre, mais avec quel grand grelot attaché à la queue !
    Le duc prononça ce « à la queue » de façon
plaisante, mais sans rencontrer de sourires chez Bassompierre ou chez moi. Il
parut en concevoir un dépit enfantin. Son visage s’empourpra et je craignis, en
tant que demi-frère, de devenir à mon tour la cible de sa malévolence. Par
bonheur, Bassompierre sauva tout.
    — Vous avez mille fois raison, Charles ! dit-il
d’un ton enjoué. Joinville est un fol, et moi aussi. Car moi aussi, j’ai signé
une promesse de mariage, et, de toutes les femmes, à la sœur de la marquise de
Verneuil ! À moi aussi elle a fait un procès et ce procès – reprenez
cœur, Joinville ! –, ce procès, je l’ai gagné ! Et
comment ? Je me suis tout simplement jeté aux pieds de la reine. Elle a
écrit aux juges une lettre missive affirmant que j’étais innocent et ils l’ont
crue ! Qui oserait donc dire ou penser ici que la régente n’en ferait pas
tout autant pour vous, Joinville, si votre aîné, dont on connaît le poids dans
les affaires du royaume, n’intercédait pour vous ?
    Ce « poids dans les affaires du royaume » regonfla
les plumes de notre paon. Il reprit ses couleurs coutumières et étant, de
reste, trop indolent pour avoir de la suite, même dans ses méchantises, il mit
un terme à ses sarcasmes.
    La paix, sinon tout à fait la concorde, régna derechef dans
la maison de Guise. Et elle fut aussitôt égayée, un laquais ouvrant grand la
porte de la salle pour une nouvelle venue : la princesse de Conti.
    À vrai dire, elle n’entra pas précisément dans la pièce.
Elle y fit son entrée. Et une entrée d’autant plus remarquée par les présents,
que trouvant la porte trop étroite pour que son vertugadin pût la franchir,
elle le souleva de ses deux mains jusqu’à sa poitrine. Ce faisant, soit par
accident soit de façon délibérée, elle empoigna, en même temps que le
vertugadin, le cotillon de dessous. Ce qui eut pour effet de découvrir les
dessous de ses dessous, cette vue figeant sur place les trois frères,
Bassompierre et moi-même.
    Le vertugadin, la porte passée, retomba comme un rideau de
théâtre et la princesse, inclinant la tête sur son cou flexible, baissa les
yeux d’un air confus que démentait un petit sourire où mille démons s’étaient
logés. Elle était deux fois Bourbon – par sa mère, la duchesse de Guise,
et par son mari, le prince de Conti. Et elle estimait, non sans raison, qu’il
n’y avait rien à la Cour de plus noble, de plus haut et de plus beau
qu’elle-même. Prétention qu’elle avait tout l’esprit qu’il fallait pour
soutenir contre tous et en particulier contre son aîné, le duc de Guise, qui
n’aurait jamais osé la dauber comme il daubait ses frères, les reparties de la
dame étant promptes et foudroyantes.
    Il y avait pourtant une faille dans l’étincelante cuirasse
de la princesse de Conti : elle aimait Bassompierre à la fureur. Et
l’atroce de la situation – qui était connue de toute la Cour – c’est
qu’étant trop altière pour lui céder, elle attendait, pour l’épouser, que
mourût le prince de Conti, lequel était vieil, bègue, sourd et mal allant et
n’ignorait pas avec quelle impatience sa mort était attendue.
    Je devinai plus tard que, logeant au palais épiscopal avec
Madame de Guise, elle n’était venue là que pour voir Bassompierre (lequel,
toutefois, elle n’envisagea pas une seule fois, alors qu’il la caressait de ses
insatiables regards) : visite qu’elle couvrit, sitôt entrée, sous le
prétexte de me porter un message de sa mère, qui eût pu tout aussi bien me le
faire tenir par Monsieur de Réchignevoisin.
    — Ha, mon petit cousin ! s’exclama-t-elle en
feignant de ne s’intéresser qu’à ma personne, voyez en moi le héraut par lequel
Madame ma mère vous mande ses volontés. Elle m’a mandé de vous bailler de sa
part tous les poutounes que je pourrais : ce qui ne laisse pas de
m’embarrasser, car je ne sais pas ce que c’est qu’un poutoune.
    — En langue d’oc, Madame, dis-je, c’est un baiser.
    — Ah ! Mais le mot est très joli ! dit-elle
en filant les sons. Lequel de vous, Messieurs, dit-elle en enveloppant les
présents d’un regard circulaire qui excluait Bassompierre, lequel d’entre vous,
Messieurs, aimerait me donner un

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