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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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fûmes donc pas autrement surpris quand le matin du
sacre, alors que nous achevions de nous vêtir, nous le vîmes apparaître dans
notre chambre, ses yeux vairons fort éveillés et ses lèvres gonflées de je ne
sais combien de demandes qu’il avait dû mûrir pendant les fiévreuses insomnies
de sa nuit.
    — Monsieur, dit-il à mon père, plaise à vous de me
répondre. À quoi rime un sacre, puisque Louis est déjà roi ?
    — Un sacre est un sacrement, dit mon père sans battre
un cil.
    — Je l’eusse juré ! Mais de sacrements je n’en
connais que deux, tous deux institués par le Christ : le baptême et la
Cène.
    — C’est ce que disent les méchants huguenots, dit mon
père avec un sourire. Des sacrements, nous autres catholiques, nous en
avons beaucoup rajouté et à s’teure, on n’en compte pas moins de sept !
    — Sept ?
    — Le baptême, la confirmation, l’eucharistie, la
pénitence, l’extrême-onction, l’ordre et le mariage. Et, Monsieur le Chevalier,
puis-je vous faire observer que vous devriez connaître cette liste par cœur,
l’avant apprise quand vous vous êtes converti en même temps que moi au
catholicisme ?
    — C’est vrai, dit La Surie, avec une petite grimace qui
n’était pas que de contrition. Je l’avais oubliée. Je m’accuserai de cet oubli
en confesse, l’an prochain à Pâques. Permettez-moi, Monsieur, de vous aider à
passer votre pourpoint. N’auriez-vous pas un peu grossi ?
    — Point du tout ! Et c’est pure méchantise de ta
part, Miroul, de le suggérer !
    — Monsieur, poursuivit La Surie, auquel de ces sept
sacrements s’apparente celui du sacre ?
    — À aucun d’entre eux. Il est particulier aux rois.
C’est la confirmation par l’Église de leur droit divin. C’est aussi une
occasion solennelle au cours de laquelle les pairs, ecclésiastiques et laïcs,
prêtent au roi serment d’allégeance et de fidélité.
    — Si j’étais Bassompierre, je gagerais que d’aucuns des
pairs laïcs ont déjà trahi ce serment dans leur cœur.
    — Je n’en prendrais pas la gageure, dit mon père. Aussi
bien est-ce le côté religieux qui importe, parce qu’il assoit dans le peuple
l’autorité du souverain.
    — Et combien de temps va durer le sacre ?
    — Si j’en crois celui d’Henri IV, cinq bonnes
heures.
    — Cinq bonnes heures ! dit La Surie qui dans les
églises trouvait toujours le temps long. Diantre ! N’est-ce pas un peu long
et lourd pour un garcelet de neuf ans ? La régente ne pouvait-elle
attendre qu’il fût un peu plus grand ?
    — La régente a ébranlé le trône par ses faveurs aux
Concini et par ses infinis gaspillages et elle sent, ce jour d’hui, le besoin
de se remparer derrière la popularité de son fils, tout en continuant, de
reste, à dire et à faire dire qu’il est incapable de régner.
    — Aime-t-elle donc à ce point le trône ? dit La
Surie.
    À cela, comme mon père se taisait, je pris sur moi de
répondre :
    — À mon sentiment, elle n’aime pas les devoirs qu’il
implique, mais les pouvoirs qu’il donne : puiser à pleines mains dans le
trésor en violant les règles instituées par Henri, intervenir auprès des juges
pour innocenter un coupable, et en général, violer les usages, les coutumes et
les lois du royaume.
    — À quel coupable faites-vous allusion ? dit mon
père en levant le sourcil.
    — À Bassompierre et à sa promesse de mariage à
Mademoiselle d’Entraigues.
    Mon père hocha la tête :
    — J’en ai ouï parler. Si fort que j’aime Bassompierre,
je déteste cette inique façon de se conduire envers les dames, et plus encore,
l’iniquité du jugement imposé par la régente aux juges.
    C’est plus tard par Héroard que nous sûmes la façon dont se
fit le réveil de Louis ce matin-là. Toutefois, l’inconvénient avec Héroard,
c’est que, craignant toujours d’en dire trop, il n’en dit jamais assez. Louis
se leva, dit-il, le dix-sept octobre à cinq heures et, dès son lever, il était
gai et avait bon visage. Pour nous qui l’aimons, voilà qui fut fort plaisant à
ouïr et montre que l’enfant-roi pensait moins à la fatigue de la cérémonie qu’à
la grande dignité que ce sacre allait lui conférer.
    Mais nous aurions aimé savoir, Héroard n’en disant mot, si à
son lever, il avait, oui ou non, pris son déjeuner. Point important, car s’il
ne put manger (pour la raison sans doute qu’il n’aurait pu communier), cela
voulait

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