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L'Enfant-Roi

L'Enfant-Roi

Titel: L'Enfant-Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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belle sur un petit tabouret.
    — Assurément ! Ce n’est pas qu’il m’aime, étant
l’amant du monde entier, mais sa vanité s’offense de vous voir là où il eût
voulu être… Toutefois, il vous aime bien aussi et nous a fort généreusement
servis, vous et moi, dans mes efforts pour revenir m’établir à Paris.
    — Mais, dis-je, savez-vous ce qu’il a eu le front de me
dire ? Que je piaffais d’impatience d’aller prendre ma leçon
d’allemand ! Il s’est gaussé de moi !
    — Et de moi aussi par la même occasion, dit-elle avec
un sourire, car je n’étais pas moins impatiente de le voir vous laisser la
place. Et bien que je ne le lui aie pas montré, il l’a senti, connaissant bien
les femmes. Allons, mon Pierre, ne faites donc plus la mine ! Mangez cette
galette et buvez ce gobelet de vin ! Cela vous fera du bien.
    Je refusai la galette de peur qu’elle me la tendît sur
l’assiette de Bassompierre – ce qui m’eût fait horreur – mais
j’acceptai le vin d’Alsace avec l’espoir qu’il dénouerait le nœud de ma gorge.
Ce qu’il fit.
    — Madame, repris-je quelque peu apaisé, me
permettez-vous de vous demander quel fut l’objet de votre entretien ?
    — Avec Bassompierre ? Mais n’est-ce pas là. Monsieur,
une question un peu bien indiscrète ? reprit-elle, un éclair de malice
traversant ses beaux yeux noirs, si flammeux et si brillants.
    — Si elle vous offense, Madame, je la retire, dis-je
roidement.
    — Elle ne m’offense pas, dit-elle avec plus d’indulgence
que je ne le méritais. C’est plutôt qu’elle devance la confidence que je
comptais vous en faire.
    Je me sentis si confus d’avoir été repris avec tant de
douceur que je ne sus plus que dire et me sentis rougir. Ce qui me donna de
l’humeur, mais cette fois contre moi-même. Madame de Lichtenberg le sentit et
du dos de la main, elle me caressa la joue. Ce fut une caresse légère et
prompte, et qui m’émut beaucoup.
    — À l’accoutumée, reprit-elle, quand Bassompierre vient
me voir, sachant que je vis très retirée, il me conte avec esprit la gazette de
la Cour. Mais cette fois, il ne laissa pas de m’étonner. On eût dit qu’il ne me
disait des choses si graves que pour qu’elles fussent répétées.
    — À qui ?
    — Mais à vous-même. Et à qui d’autre, puisqu’il s’agit
de votre petit roi ?
    — Et que vous confia-t-il ? dis-je vivement.
    — Il me conta par le menu ce qui s’est passé hier au
Grand Conseil du roi.
    — Mais comment l’a-t-il su, lui qui n’en fait pas
partie ? Le Grand Conseil ne compte que les ministres, les maréchaux et
les ducs et pairs.
    — Un de ceux-là, le duc de Bellegarde, l’a mis dans la
confidence. Quoi qu’il en soit, à ce Grand Conseil, la régente annonça
solennellement les mariages espagnols.
    —  Les mariages, Madame ? Vous avez bien
dit : les mariages ?
    — C’est qu’en effet il n’y en a pas qu’un. Il y en a
deux.
    — Deux ?
    — Louis avec l’infante Anne et Madame avec
l’infant Philippe.
    — Ainsi l’infante Anne sera reine de France et Madame, reine d’Espagne. Jour du ciel ! On ne saurait nous espagnoliser
davantage ! Quel odieux retournement de la politique du feu roi ! Nos
ennemis d’hier deviennent nos amis ! On leur baille d’un coup deux enfants
de France ! Et comment les Grands ont-ils pris la chose ?
    — Guise et Montmorency, avec enthousiasme, puisqu’ils
sont ligueux. Les huguenots, Bouillon et Lesdiguières, avec beaucoup de
réticence, craignant qu’on ne mît fin à nos alliances protestantes. Condé ne
dit rien. Et comme la régente lui demandait la raison de son silence, il
répondit : « Sur une chose faite, il n’y a pas lieu de donner des
conseils. »
    — Pour une fois, le bon sens même ! Et
Louis ?
    — Le petit roi n’était pas là.
    — Jour de ma vie ! Il ne présidait même pas le
Grand Conseil où la régente annonça son mariage et celui de sa cadette !
Les bras m’en tombent !
    — Mon ami, dit Madame de Lichtenberg en se levant, vous
avez là assurément de quoi nourrir vos réflexions. Asseyez-vous, de grâce,
commodément dans ma chaire à bras et voyez ! J’ai posé votre galette sur
mon assiette (elle sourit en prononçant ce «  mon  »). Vous
n’avez donc plus de raison de ne la manger point. Pour moi, je me retire dans
ma chambre, où dès lors qu’en vous rassasiant vous aurez recomposé cette
aimable humeur qui

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