L'énigme de l'exode
serait presque impossible.
Une bourrasque fouetta le camion, et celui-ci fit une telle embardée que Knox dut s’accrocher au toit de toutes ses forces. Les pneus adhérèrent de nouveau au sol, mais le conducteur ralentit. Knox regarda derrière lui. Il n’y avait toujours personne. Une fois arrivé au bout de la route, le camion s’arrêta devant la génératrice, à l’entrée de la cité d’Amarna.
À Amarna, la géométrie prenait tout son sens. Si le mot était grec, la science, elle, était égyptienne. Elle avait d’abord été élaborée pour faire face à la crue annuelle du Nil, qui inondait les terres environnantes et obligeait les propriétaires à délimiter leurs lopins de façon fiable et les autorités à mettre au point des méthodes efficaces de calcul des impôts.
L’orientation et les proportions des grandes pyramides prouvaient bien que les architectes égyptiens avaient eu recours à cette science. Cependant, les égyptologues hésitaient à parler de « géométrie sacrée », un concept trop new age à leur goût. Et si les Égyptiens avaient, de toute évidence, les connaissances et le savoir-faire nécessaires pour l’intégrer à leur urbanisme et à leur architecture, les découvertes archéologiques montraient qu’ils ne s’en étaient pas souvent servi dans leurs constructions.
À première vue, la cité d’Amarna semblait se fondre dans le paysage. Mais un architecte britannique avait fait des observations intéressantes en dressant la carte des principaux sites. Amarna n’avait pas du tout été bâtie au hasard. La cité était, en réalité, un immense temple rectiligne en plein air, qui enjambait le Nil, face au soleil levant. De plus, lorsqu’on traçait des lignes à partir des stèles frontières, elles convergeaient toutes en un même point, comme les rayons du soleil, si présents dans l’art amarnien. Ce point se trouvait juste ici, au cœur de la tombe royale d’Akhénaton. Tout comme l’astre solaire, le pharaon brillerait éternellement sur son peuple et sa cité.
Les portes du camion s’ouvrirent. Khaled et ses hommes, vêtus de capotes imperméables, se précipitèrent sous la pluie. La faible lumière de leur torche disparut rapidement dans l’insondable obscurité. Knox tenta d’appeler Naguib, mais avec la tempête et les falaises qui se dressaient de part et d’autre de l’oued, son portable ne passait pas. Pour l’instant, il était donc seul. Dégoulinant d’eau, il se laissa descendre le long du camion. Comme il pataugeait dans ses chaussures, il les retira et s’en débarrassa. Puis il suivit les hommes de la police touristique le long de l’oued, pieds nus dans l’eau de pluie qui dévalait comme un rapide sur les éboulis de la falaise.
III
Les pieds trempés, froids et endoloris dans ses chaussures trop petites, Abdallah lançait des regards mauvais à Khaled, tandis qu’ils gravissaient le dos de la falaise jusqu’au sommet. Quelle folie ! Jamais ils ne pourraient longer ce morceau de corniche dans un tel torrent. Mais Khaled avait anticipé ce problème. Il y avait une pointe rocheuse au-dessus de l’entrée de la tombe. Il fit un nœud coulant au bout de la corde, le passa autour de la pointe rocheuse et laissa descendre l’autre extrémité de la corde dans le vide.
— Descends, ordonna-t-il à Abdallah.
— Moi ? protesta Abdallah. Pourquoi moi ?
— Parce que nous ne serions pas dans ce merdier si tu avais obéi à mes ordres !
— Vous auriez dû être plus clair, marmonna Abdallah.
— Au téléphone ? J’aurais fait comment ?
Abdallah s’approcha avec réticence et tira plusieurs fois sur la corde pour s’assurer qu’elle était solidement attachée. Elle glissa presque aussitôt par-dessus la pierre.
— Vous voyez ! s’exclama-t-il.
— Arrête de te plaindre ! pesta Khaled en remettant la corde en place et en serrant davantage le nœud. Descends !
— Ne t’inquiète pas, murmura Faisal. Je garde un œil dessus.
Abdallah lança un regard plein de reconnaissance à Faisal, le seul en qui il ait jamais eu confiance. Il noua la corde à sa ceinture, passa la dragonne de sa lampe torche autour de son poignet et échangea son AK-47 contre le pic de Nasser. Puis il se laissa descendre lentement le long de la falaise, comme il l’avait vu faire à la télévision, mais sa chaussure glissa sur la roche mouillée et il s’écrasa contre la paroi. Cramponné de toutes ses forces à la corde, il vit
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