L'énigme de l'exode
livres égyptiennes. Un demi-million ! Rien que de penser à une telle somme, Khaled avait la nausée. Nasser descendit la voie latérale conduisant à la tombe et se gara à côté du Discovery. Le capitaine ouvrit sa portière et descendit de la cabine. Le soleil était encore bas, tout était encore partiellement plongé dans l’ombre. Il frissonna. Il y avait des fantômes, par ici. Il posa la main sur l’étui de son Walther et commença à se sentir mieux.
Ses amis d’enfance avaient redouté l’approche du service militaire, qui allait les arracher à leur famille. Khaled était le seul à bouillonner d’impatience. Il n’avait jamais imaginé travailler ailleurs que dans l’armée. Il aimait la discipline, l’autorité que donnait une arme, et la façon dont les femmes regardaient un bel homme en uniforme. Il avait suivi l’entraînement de base sans la moindre difficulté et s’était porté volontaire pour entrer dans les Forces spéciales. Les officiers avaient vu en lui une recrue pleine d’avenir.
Il se dirigea vers l’entrée de la tombe et ouvrit la porte. Un escalier descendait vers la chambre funéraire, entre deux rangées de spots fixés au sol, qui diffusaient une lumière discrète avec un bourdonnement d’insecte. Khaled regarda avec amertume l’équipe de tournage s’enfoncer dans l’obscurité.
Sa carrière militaire avait pris fin d’un seul coup, au Caire. Un gosse des rues avait craché sur sa vitre, alors qu’il conduisait son commandant à une réunion au ministère. Khaled n’avait pas pu tolérer un tel manque de respect. Pas devant son commandant. Mais un touriste avait filmé ce qui s’était passé ensuite et envoyé l’enregistrement à un journaliste bien intentionné, qui avait recherché le gosse et l’avait retrouvé sur son lit, emmailloté comme une momie. Khaled avait évité le tribunal grâce à l’intervention de son commandant, mais celui-ci avait été contraint de l’expulser de l’armée. Il avait donc dû intégrer la police touristique, qui l’avait muté dans ce bled paumé. Il s’était donné six mois. Le temps de se faire oublier.
Et dix-huit mois avaient passé.
L’équipe de tournage arriva en bas de l’escalier et traversa la passerelle en bois, suspendue au-dessus du vide, qui menait à la chambre funéraire. Khaled lui tourna le dos. Ce qui se trouvait en bas n’avait aucune valeur à ses yeux. C’était plutôt là-haut qu’il y avait des choses à voir.
Six mois plus tôt, Amarna avait été frappée par une tempête d’une extrême violence. On aurait cru la fin du monde arrivée. Khaled et ses hommes s’étaient rendus sur le site dès le lendemain matin. Et c’était Faisal qui l’avait repérée, à plat ventre sur les rochers, non loin d’ici, un bras replié au-dessus de la tête et l’autre monstrueusement tordu en arrière, les cheveux emmêlés et collés par le sang coagulé à une bâche bleue.
Khaled s’était agenouillé à côté d’elle. Il avait posé la main sur sa joue. Elle avait le teint cireux et le visage froid, couvert de sable. D’après les rumeurs, les gosses du coin fouillaient les ouadi après les tempêtes, dans l’espoir que la pluie torrentielle ait mis au jour une tombe inexplorée ou que le vent ait fait apparaître dans le sable des tessons de poterie, dont le bleu typique d’Amarna étincelait après avoir été nettoyé par le ruissellement de l’eau. Pauvre gamine. Prendre un tel risque pour si peu.
— Capitaine ! avait crié Nasser. Regardez !
Khaled avait levé les yeux et aperçu l’entaille que Nasser lui montrait dans la falaise de grès, loin au-dessus de leurs têtes. Le cœur serré comme un poing, il avait compris que la jeune fille n’était pas morte pour de simples tessons de poterie. Elle courait après quelque chose de plus gros.
C’est dans ce genre de moment que les hommes choisissent leur destin. Ou qu’ils découvrent ce qu’ils sont vraiment. Khaled connaissait son devoir : informer immédiatement ses supérieurs, ce qui lui aurait peut-être valu une récompense, voire une réintégration dans l’armée. Mais il n’y avait pas songé un seul instant. Il s’était aussitôt dirigé vers la falaise et s’était mis à escalader.
Chapitre 21
I
Il y avait un petit espace entre la porte de l’appartement d’Augustin Pascal et le jambage. Peterson repéra immédiatement que le verrou n’avait pas été tiré. Ouvrir cette porte serait
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