L'énigme des vampires
administrée régulièrement dans la nourriture
ou la boisson, ce qui expliquerait que le sortilège puisse cesser dès la mort
du sorcier. En tout cas, ce serait un excellent moyen de se procurer des
esclaves à bon marché, sans contrevenir formellement aux lois en vigueur [137] .
Mais de nombreux rationalistes et historiens des religions se sont servis des
recherches scientifiques sur le phénomène des zombies et de la démystification
à laquelle elles aboutissaient pour élargir l’hypothèse au cas de Jésus-Christ,
mort sur la Croix, mis au tombeau et ressuscité le troisième jour. Jésus, apparaissant
à Marie de Magdala, puis à ses disciples, aurait-il été un vulgaire zombie, drogué
au moment où le soldat romain lui tendait une éponge gorgée non de vinaigre, mais
de substances capables de provoquer un état cataleptique ? Dans cette hypothèse,
on comprendrait évidemment que, sous l’effet d’un contrepoison administré très
tôt, le matin de Pâques, par Joseph d’Arimathie, propriétaire du tombeau, ou
par un de ses disciples, il ait pu ainsi apparaître, avec toutes ses blessures.
Il faut avouer que cette explication, satisfaisante pour la Raison, ne tient
pas si l’on examine l’attitude de Marie de Magdala, qui
ne reconnaît pas tout de suite Jésus , l’ayant pris pour le jardinier. Les
choses ne sont pas si simples.
À la suite de patientes recherches en Haïti, on a proposé
que certaines des drogues utilisées par les sorciers pouvaient être une
substance de la plante appelée « concombre zombie », c’est-à-dire le Datura stramonium , dont l’antidote, la noix de Calabar,
est abondante là-bas, ainsi que la tétrodoxine, produit très toxique qui
provoque tous les symptômes de l’empoisonnement, qui existe à l’état naturel en
Haïti, dans les sécrétions d’un crapaud. Et l’on sait que la bave, ou le venin,
de crapaud est un des éléments qui entrent le plus souvent dans la composition
des brouets de sorcières et autres « bouillons d’onze heures » de
même acabit. La tétrodoxine pourrait alors expliquer l’entrée en catalepsie, et
l’atropine contenue dans le datura pourrait
maintenir, pourvu qu’elle soit administrée à doses répétées, le zombie, ou
soi-disant tel, dans un état de dépendance mentale et physique. On a dit aussi
que le phénomène des zombies était en fait, sous le couvert de la superstition
et de la crédulité, ni plus ni moins que l’aboutissement de cas de
schizophrénie. Mais là encore, ce n’est pas si simple : on n’a jamais pu
provoquer artificiellement une crise de schizophrénie, et tout ce qui tend à expliquer
rationnellement le phénomène des zombies se heurte à des impossibilités telles
que toute recherche ne fait que reculer le problème un peu plus loin.
Une chose est certaine : quelle que soit l’origine du « zombisme »,
le zombie ne recouvre jamais intactes ses facultés mentales. Il lui manque quelque chose . Dans le pays, on
raconte que le sorcier a pris la précaution de lui voler son « petit ange »,
c’est-à-dire son ange gardien. De plus, le zombie est généralement muet, son
intelligence est engourdie, et, dans une inconscience quasi totale, il restera
toute sa vie esclave du sorcier ou du maître à qui on l’aura vendu. C’est en
quelque sorte un non-mort, au même titre qu’un
vampire, une sorte de « Corps sans Âme », et c’est ce qui est
étonnant.
Car si l’on revient dans les domaines de l’Europe
occidentale, on découvre dans la tradition populaire et dans les récits du Moyen
Âge des éléments analogues à ce qui se passe dans les pays d’Amérique latine. La
seconde branche du Mabinogi gallois, qui porte le titre de Branwen, fille de Llyr , est, à cet égard, fort
significative. Au cours d’une négociation serrée du Breton Brân le Béni avec le
roi d’Irlande Mattolwch, pour éviter d’envenimer un débat qui menaçait d’être
houleux, Brân fait cadeau à Mattolwch d’un étrange chaudron qui a des
propriétés très particulières : « Je parferai la réparation en te
donnant un chaudron dont voici la vertu : si on te tue un homme aujourd’hui,
tu n’auras qu’à le jeter dedans pour que le lendemain il soit aussi bien que
jamais, sauf qu’il n’aura pas la parole . »
Voilà, semble-t-il, un chaudron merveilleux qui a certainement quelque chose à
voir avec les pratiques des sorciers qui se prétendent capables de créer des
zombies.
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