L'énigme des vampires
irlandaise, ou de l’Anne
bretonne. Voici ce que raconte à son sujet la quatrième branche du Mabinogi :
« À cette époque, Math, fils de Mathonwy, ne pouvait vivre qu’à la condition
que ses deux pieds reposassent dans le giron d’une vierge, à moins que le
tumulte de la guerre ne s’y opposât. » L’analogie avec l’anecdote sur le
roi David ne peut faire aucun doute. Cependant, une remarque s’impose : en
temps de guerre, Math n’a nul besoin de vivre les pieds dans le giron de la
jeune vierge. Cela veut dire qu’en temps de guerre, le roi Math, visiblement
déficient et en état de non-mort, a la possibilité de se régénérer en absorbant
le sang des guerriers tués au combat, alors qu’en temps de paix, il en est
réduit à demander à une jeune fille d’ officier ,
de lui insuffler l’énergie vitale qu’il est incapable de se procurer par
lui-même. Math est incontestablement un vampire, comme le roi David, et comme
le Roi Pêcheur, obstinément tourné vers le vase mystérieux qui contient le Sang
du Christ.
Le Royaume du Graal est bien particulier. Selon la version allemande,
il est composé d’une élite, choisie par le Ciel, et constituant une sorte de
cohorte à la fois militaire et mystique, ce que Wolfram von Eschenbach appelle
improprement des « Templiers ». Les membres de cette cohorte, valeureux
au combat, fiers de leurs origines, et implacables contre leurs ennemis, se
nourrissent en fait de la vision du « saint » Graal. En vérité, il
vaudrait mieux prendre l’expression « saint » Graal pour ce qu’elle
est, d’après les graphies des manuscrits du Moyen Âge, c’est-à-dire sangreal , mot qui s’explique fort bien si on le comprend
comme sang réal , autrement dit « sang
royal ». Il s’agit d’une lignée, d’une caste même, d’un clan se disant
dépositaire d’un certain message. Mais les membres de ce sang royal sont sous le coup d’un interdit, pour ne
pas dire d’un sortilège. Il leur manque quelque chose. C’est pourquoi ils
attendent le Bon Chevalier qui, tout en étant de leur lignée, n’est pas soumis
au même sortilège, à la même malédiction, et qui leur apportera le sang frais
qui leur est indispensable. Alors le Graal pourra disparaître dans le ciel dans
une apothéose digne du Crépuscule des Dieux. Mais les temps ne sont pas encore
venus, et la cohorte des vampires qui se terrent dans le Château du Graal, attend
la proie dont elle fera son roi. Étrange histoire… Corbénic, ou Montsalvage, le
Château du Graal est plus qu’un symbole : c’est l’image de l’humanité à la
recherche de son âme…
ÉPILOGUE
LES VAMPIRES SONT PARMI NOUS
La nuit a toujours exercé sur moi la plus étonnante des fascinations.
Peut-être avais-je la confuse sensation d’être moi-même surgi de la nuit, de
cette nuit étoilée qui m’entourait de ses longues spirales laiteuses les soirs
d’été sur les landes, quand des hululements inconnus entrouvraient les portes
du rêve. Certes, tout a commencé par les terreurs enfantines, celles qui nous
viennent du fond des âges et qui s’abattent, tels des nuages véhiculant des
orages, sur le front naïf de l’enfance. La nuit était donc peuplée d’êtres que
j’estimais inquiétants, ou plutôt de présences très proches auxquelles je
donnais des formes imprécises mais qui signifiaient une sorte de vertige devant
un précipice dont je ne pouvais distinguer le fond. J’avais peur de la nuit. Et,
pour que je pusse m’endormir paisiblement sans me heurter aux troubles
brouillards de l’angoisse, on laissait toujours, à côté de mon lit, une
veilleuse, une petite lampe à huile dont la clarté très douce baignait mes yeux
à demi fermés. Je naviguais alors sur les houles qui menaient vers de merveilleux
rivages assoupis au creux des vallées, à l’abri des rivages sans fin où
soufflait le vent de la mer. En fait, la nuit me montrait le chemin de la
lumière.
C’est dire que ma peur, même chargée de refus, provoquait le
désir d’aller plus loin que les murailles obscures qui m’enfermaient de toute
leur hantise. Et j’en éprouvais une impression de bien-être, de jouissance
subtile qui m’emportait « vers les espaces d’une autre vie », comme
le chantait Chateaubriand dans ses délires. Et je partageais ces délires :
« Les sons que rendent les passions dans le vide d’un cœur solitaire ressemblent
au murmure que les vents et les eaux font entendre
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