L'énigme des vampires
concubines, ce qui ne l’empêche pas
de tomber amoureux de la femme d’un de ses généraux. Et pour mieux s’assurer de
la belle Bethsabée, il s’arrange pour que le mari de celle-ci soit tué. Ainsi
peut-il jouir impunément de celle qui attisait ses désirs. Beau modèle pour
Histoire sainte ! En vérité, les prêtres catholiques ont une fâcheuse
tendance à éliminer des textes sacrés tout ce qui peut choquer la naïveté de
leurs fidèles. Car il fallait bien trouver un ancêtre à Jésus et au Roi Pêcheur.
L’Église catholique romaine se garde bien d’insister sur la vie débauchée de
certains papes dont elle se dit toujours l’héritière. Alors, pourquoi ne pas
faire l’impasse sur les aspects obscurs du roi David, lequel, soit dit en
passant, serait plutôt, comme son fils Salomon « le Sage », un
personnage mythique plutôt qu’une réalité historique. Il n’y a pas de frontière
entre le mythe et l’histoire.
Et voici David à la fin de sa vie. Selon le premier Livre
des Rois, « le roi David, vieux, décline dans ses jours. Ils le couvrent d’habits,
mais il ne se réchauffe pas. Ses serviteurs lui disent : qu’ils cherchent
pour mon Adôn le roi une adolescente vierge. Elle se tiendra en face du roi et
sera pour lui une auxiliaire, elle couchera sur ton sein et mon Adôn le roi
aura chaud. Ils demandent une belle adolescente en toute frontière d’Israël. Ils
trouvent Abishag, la Shounamit. Ils la font venir au roi. L’adolescente est
très belle. Et c’est pour le roi une auxiliaire. Elle officie pour lui, mais le
roi ne la pénètre pas » (I, Rois , I, 1-4,
traduction Chouraqui). On se perd évidemment en conjectures sur la façon d’ officier de la Shounamit (ou Sunamite), mais on est
certain que David est impuissant, puisqu’il ne la pénètre pas (la traduction de
la Bible de Jérusalem dit pudiquement : « il ne la connut point »).
Mais pour le reste, toutes les hypothèses sont bonnes. Lilith ne copule pas
forcément avec les hommes qu’elle trouve endormis, solitaires dans leurs maisons
à l’écart de toute activité. Lilith est une vampire fellatrice, on l’avait
compris. Que peut-on penser de la jeune vierge qui couche avec le roi David
sans que celui-ci la pénètre ? Mais, on nous rassure : le roi aura
chaud, ce qui signifie qu’il obtiendra un regain de vitalité. C’est le plus bel
exemple de vampirisme connu.
Mais c’est aussi le point de rencontre idéal entre l’histoire
du saint Graal, la Bible et l’Alchimie traditionnelle. On peut mettre en
parallèle le roi David et sa Sunamite et le Roi Pêcheur, toujours flanqué de la
Porteuse du Graal – qu’on dit être sa fille –, laquelle officie elle aussi en permettant à son maître et
seigneur de survivre. On ne peut pas non plus ignorer comment certains
Alchimistes prétendaient pouvoir extraire le « fluide vital » des
plantes ou des êtres humains afin de composer un élixir de vie comparable à
cette panacée universelle des druides dont Pline l’Ancien disait qu’elle était
à base de gui. Que fait donc David à côté de la belle adolescente, sinon puiser
en elle cet « élixir de vie » ? Voilà un cas de vampirisme
incontestable et tout à fait conforme à ce que le poète et romancier latin
Pétrone fait savoir à propos de certaines amours homosexuelles : « Tandis
que je baisais sur mes lèvres mon jeune ami d’un baiser suave, et que j’aspirais
sur sa bouche entrouverte la douce fleur de son souffle, mon âme, souffrante et
blessée, était accourue à mes lèvres, et, cherchant à se frayer un passage, s’efforçait
de bondir entre les tendres lèvres de l’enfant. Si nous étions restés alors un
seul petit instant de plus à nous baiser ainsi à pleines lèvres, mon âme, excitée
par le feu de l’amour, eût passé dans la sienne, et m’eût abandonné. C’eût été
une merveilleuse métamorphose : je serais mort par moi-même, j’aurais vécu
dans le sein de l’enfant [154] … » On croirait
entendre un chant d’amour de Tristan pour Yseult, ou inversement. Ou encore le
grognement du vampire qui, comme Vénus, est tout entier « attaché à sa
proie ».
Mais s’il appartient à la lignée de David, le Roi Pêcheur a
des antécédents dans la tradition celtique, notamment sous les traits d’un
certain Math, fils de Mathonwy, grand magicien s’il en fut, et frère de la
déesse primordiale Dôn, l’équivalent gallois de la Dana
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