L'ennemi de Dieu
craquement sourd des boucliers qui s’entrechoquent. Et après le choc,
les hurlements des hommes quand les lances commencèrent à trouver des passages
entre les boucliers et que les haches commencèrent à voler. Mais ce sont les
Saxons qui souffrirent le plus ce jour-là. La présence des chiens avait brisé l’alignement
des murs, et nos lanciers s’engouffraient dans les brèches ainsi créées pour s’enfoncer
toujours plus profond au cœur de la masse des Saxons. Cuneglas, qui menait l’une
de ces offensives, fut tout près d’atteindre Aelle lui-même. Je ne le vis pas
se battre, mais les bardes chantèrent par la suite ses prouesses et il m’assura
modestement qu’ils n’exagéraient pas beaucoup.
Je fus blessé
très tôt. Mon bouclier détourna le coup de hache et amortit le choc, mais la
lame me frappa à l’épaule et engourdit mon bras gauche même si la blessure ne
devait pas m’empêcher de trancher d’un coup de lance la gorge de mon agresseur.
Puis, lorsque la cohue fut trop grande pour que ma lance me fût encore de
quelque utilité, je tirai Hywelbane et assénai de grands coups dans la meute
hurlante. C’était maintenant, comme dans toutes les batailles, à qui pousserait
le plus fort, jusqu’à ce que l’un des camps se disloque. Une épreuve de force
dans la sueur et la crasse.
Sauf que,
cette fois, ce fut plus difficile parce que le mur saxon, partout épais de cinq
hommes, déborda notre mur de boucliers. Pour éviter d’être encerclés, il nous
fallut replier nos extrémités pour opposer à nos assaillants deux petits murs
de boucliers. Les deux flancs saxons hésitèrent un instant, sans doute dans l’espoir
que le centre serait le premier à percer. Puis un chef saxon se porta de mon
côté et, faisant honte à ses hommes, lança l’assaut. Il s’avança seul, para
deux lances avec son bouclier, puis se jeta au centre de notre petit groupe. C’est
là que Cavan trouva la mort sous l’épée du chef saxon. À la vue de ce brave
enfonçant tout seul notre flanc, ses hommes se ruèrent sauvagement sur nous.
C’est alors qu’Arthur
quitta la salle pour charger. Je ne vis pas la charge, mais je l’entendis. Les
bardes disent que les sabots de ses chevaux ont ébranlé le monde et, de fait,
on aurait dit que la terre tremblait. Mais peut-être n’était-ce que le fracas
de leurs sabots ferrés. Les gros animaux frappèrent la partie exposée des
lignes saxonnes. Et la bataille prit fin avec ce terrible choc. Aelle avait
imaginé que ses hommes nous disperseraient avec leurs chiens et que ses
arrières repousseraient nos cavaliers avec leurs boucliers et leurs lances, car
il savait fort bien que jamais cheval ne chargerait dans un mur de lances bien
défendu, et je ne doutais pas qu’il sût comment, à Lugg Vale, les lanciers de
Gorfyddyd avaient ainsi tenu Arthur en échec. Mais, au moment où il chargea, le
flanc découvert des Saxons était en débandade et Arthur avait calculé son
intervention à la perfection. Sans attendre que sa cavalerie se mette en rang,
il jaillit de l’ombre en criant à ses hommes de le suivre et, avec Llamrei,
fondit sur l’extrémité des rangs saxons.
Je crachais
sur un Saxon barbu édenté qui jurait par-dessus le bord de nos boucliers
lorsque Arthur frappa. Son manteau blanc flottait dans son dos et son panache
blanc s’élevait dans le ciel : son bouclier étincelant fit tomber à terre
l’étendard du chef saxon – un crâne de taureau barbouillé de sang –
lorsqu’il enfonça sa lance dans le ventre du Saxon. Il l’y abandonna et libéra
Excalibur pour éventrer les rangs ennemis en donnant de grands coups de tous
côtés. Agravain lui emboîta le pas, son cheval éparpillant les Saxons
terrifiés. Puis Lanval et les autres firent voler en éclats les lignes ennemies
avec leurs épées et leurs lances.
Les hommes d’Aelle
se brisèrent comme des œufs sous une masse. Je doute que la bataille ait duré
plus de dix minutes entre l’instant où l’ennemi lâcha ses chiens et celui où
Arthur chargea avec ses chevaux, même s’il fallut un heure ou plus à nos
cavaliers pour achever le carnage. Notre cavalerie légère fonça en hurlant à
travers la lande pour porter ses lances contre l’ennemi en fuite, tandis que la
cavalerie lourde d’Arthur s’occupa des hommes éparpillés, tuant à tour de bras,
nos lanciers leur courant après pour récupérer chaque bribe de butin.
Les Saxons couraient
comme des
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