L'ennemi de Dieu
d’entre nous soupçonnions que seul l’ennui du roi se
cachait derrière les bûchers funéraires qui brûlaient les corps des reines sur
Caer Dore, la place forte du roi. La septième épouse à mourir ainsi avait été Ialle,
la nièce d’Arthur, et Marc avait dépêché un émissaire pour nous prévenir du
goût irrépressible de la reine pour les champignons, qui lui avait été fatal.
Afin de prévenir toute explosion de colère de la part d’Arthur, il avait aussi
envoyé un mulet de bât chargé de lingots d’étain et d’os de baleine.
Apparemment,
la mort de ses précédentes épouses ne devait jamais dissuader d’autres
princesses de traverser la mer pour partager la couche de Marc. Mieux valait,
sans doute, être reine au Kernow, fût-ce pour peu de temps, que d’attendre dans
la salle des femmes un prétendant qui pouvait bien ne jamais venir. Qui plus
est, les explications des morts étaient toujours vraisemblables. Ce n’étaient
que des accidents.
Après la mort
d’Ialle, il n’y eut pas de nouveau mariage avant longtemps. Marc se faisait
vieux et les hommes supposaient qu’il avait renoncé, mais c’est alors, en ce
bel été précédant l’accession de Mordred au pouvoir en Dumnonie, que le roi
vieillissant se choisit une nouvelle épouse. C’était la fille de notre vieil allié,
Œngus Mac Airem, le roi irlandais de Démétie qui nous avait donné la victoire à
Lugg Vale. Pour prix de cette délivrance, Arthur avait pardonné à Œngus ses
multiples incursions sur le territoire de Cuneglas. Les redoutables
Blackshields d’Œngus continuaient leurs incursions dans le royaume du Powys et
l’ancienne Silurie, obligeant ainsi Cuneglas à maintenir d’onéreuses bandes de
guerre sur sa frontière occidentale. Invariablement, Œngus niait toute
responsabilité, protestant que ses chefs étaient indomptables et promettant de
faire tomber quelques têtes, mais les têtes restaient en place et à chaque
moisson les Blackshields affamés fondaient sur le Powys. Arthur dépêcha
quelques lanciers afin de les aguerrir à la faveur de ces batailles, qui
étaient pour nous l’occasion de former des novices et d’entretenir les
instincts belliqueux des vétérans. Cuneglas aurait aimé en découdre une fois
pour toutes avec la Démétie, mais Arthur aimait bien Œngus et prétendait que
ses déprédations valaient bien l’expérience qu’elles donnaient à nos lanciers,
et les Blackshields survécurent.
Le mariage du
roi vieillissant et de sa jeune promise de Démétie était une alliance de deux
petits royaumes qui ne gênait personne ; en outre, personne ne croyait que
Marc avait épousé la princesse pour un quelconque avantage politique. Il ne l’avait
épousée qu’en raison de son insatiable appétit de jeune chair royale. Il
approchait alors des soixante ans, son fils Tristan en avait près de quarante
et, Iseult, la nouvelle reine en avait tout juste quinze.
Les ennuis
commencèrent lorsque Culhwch nous adressa un message pour nous informer que
Tristan était arrivé à Isca avec la jeune épouse de son père. Après que Melwas
était mort d’une indigestion d’huîtres, Culhwch avait été nommé gouverneur de
la province occidentale de Dumnonie, et son message rapportait que Tristan et
Iseult avaient fui le roi Marc. Personnellement, leur arrivée l’amusait plus qu’elle
ne le troublait, car il avait, comme moi, combattu au côté de Tristan à Lugg
Vale et devant Londres, et il appréciait le prince. « Au moins cette jeune
épouse vivra, avait écrit son scribe au Conseil, et elle le mérite. Je leur ai
donné une vieille salle et une garde de lanciers. » Dans la suite de son
message, Culhwch racontait une incursion de pirates irlandais avant de
demander, comme d’habitude, une réduction d’impôts et de prévenir, comme d’habitude,
que la moisson s’annonçait mal. Bref, c’était un message tout à fait ordinaire,
sans rien qui fût de nature à éveiller les craintes du Conseil, car nous
savions tous que la moisson s’annonçait fort bien et que Culhwch prenait ainsi
ses marques pour la traditionnelle querelle des impôts. Quant à Tristan et
Iseult, leur aventure n’était qu’un amusement, et aucun d’entre nous n’y
percevait le moindre danger. Les clercs d’Arthur classèrent le message et le
Conseil examina la requête de Sansum, demandant au Conseil de décider la
construction d’une grande église qui marquerait le cinq-centième
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