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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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j’avais
mélangé ses os à ceux d’Iseult, ses cendres à celles de sa dulcinée, et sans
nul doute une bonne quantité de vulgaires cendres de bois, par la même
occasion, et je les avais scellés dans une jarre que nous avions trouvée dans
la salle où ils avaient partagé leur impossible rêve d’amour. J’étais riche
alors, j’étais un grand seigneur, maître d’esclaves, avec mes serviteurs et mes
lanciers. J’étais assez riche pour payer une douzaine de chansons sur Tristan
et Iseult que l’on chante encore aujourd’hui dans toutes les salles de banquet.
Je m’assurai aussi que les chansons imputent leur mort à Arthur.
    « Mais
pourquoi Arthur a-t-il fait cela ? » reprit Igraine.
    Je me frottai
le visage de mon unique main. « Arthur avait le culte de l’ordre,
expliquai-je. Je ne pense pas qu’il ait jamais vraiment cru aux Dieux. Oh,
certes, il croyait à leur existence, il n’était pas fou. Mais il était
convaincu qu’ils avaient cessé de s’intéresser à nous. J’entends encore son
rire, le jour où il nous a expliqué que nous étions bien arrogants d’imaginer
que les Dieux n’avaient rien de mieux à faire que de s’inquiéter de nous.
Perdons-nous le sommeil à cause des souris qui s’agitent dans le chaume ?
me demanda-t-il. Alors pourquoi les Dieux se soucieraient-ils de nous ?
Les Dieux écartés, la seule chose qu’il lui restait, c’était l’ordre, et la
seule chose qui pût maintenir l’ordre, c’était la loi, et la seule chose qui obligeât
les puissants à obéir à la loi, c’étaient leurs serments. C’était aussi simple
que cela, conclus-je dans un haussement d’épaules. Il avait raison, bien sûr.
Comme toujours, ou presque.
    — Il
aurait dû leur laisser la vie, insista Igraine.
    — Il s’est
plié à la loi », fis-je d’un air morne. J’ai souvent regretté d’avoir
laissé les bardes rejeter la faute sur Arthur, mais il me pardonna.
    « Et
Iseult a vraiment été brûlée vive ? reprit-elle en frissonnant. Et Arthur
a laissé faire ?
    — Il
pouvait se montrer très dur, et il le fallait, car Dieu sait si nous autres
pouvions être tendres !
    — Il
aurait dû les épargner.
    — S’il l’avait
fait, il n’y aurait eu ni chansons ni histoires. Ils seraient devenus vieux et
gras, ils se seraient chamaillés avant de s’éteindre. Ou alors Tristan serait
retourné au Kernow à la mort de son père et aurait pris d’autres femmes. Qui
sait ?
    — Combien
de temps Marc a-t-il survécu ?
    — Juste
un an de plus. Il est mort de strangurie.
    — De quoi ?
    — Une
affreuse maladie, Dame. Mais les femmes, je crois, n’y sont pas sujettes. Un
neveu lui a succédé sur le trône, mais je ne me souviens même pas de son nom. »
    Igraine fit la
moue. « En revanche, vous vous souvenez d’Iseult sortant de la mer en
courant, dit-elle d’un ton accusateur, parce que sa robe était trempée.
    — Comme
si c’était hier, Dame, fis-je dans un sourire.
    — La Mer
de Galilée », ajouta vivement Igraine, car saint Tudwal avait fait
irruption dans notre pièce. Tudwal a maintenant dix ou onze ans : c’est un
garçon maigrelet aux cheveux noirs, dont le visage me rappelle Cerdic. Une face
de rat. Il partage la cellule de Sansum et son autorité. Quelle chance
avons-nous d’avoir deux saints dans notre petite communauté !
    « Le
saint désire que vous déchiffriez ces parchemins », m’ordonna Tudwal en
les déposant sur ma table. Il feignit d’ignorer Igraine. Apparemment, les
saints peuvent se montrer grossiers envers les reines.
    « De quoi
s’agit-il ?
    — Un
marchand veut nous les vendre, répondit Tudwal. Il prétend que ce sont des
psaumes, mais le saint a les yeux trop troubles pour les lire.
    — Naturellement. »
    La vérité,
bien entendu, c’est que Sansum ne sait pas lire et que Tudwal est trop
paresseux pour apprendre, bien que nous ayons tous essayé et que nous fassions
tous aujourd’hui comme s’il savait lire. Je déroulai soigneusement le
parchemin, qui était vieux, cassant et fragile. Les feuilles étaient en latin,
langue que je n’entends guère, mais j’aperçus le mot Christus .
    « Ce ne
sont pas les psaumes, dis-je, mais ils sont chrétiens. Je soupçonne que ce sont
des fragments des Évangiles.
    — Le
marchand en demande quatre pièces d’or.
    — Deux ! »
tranchai-je, sans vraiment me soucier que nous les achetions ou non. Je laissai
les parchemins s’enrouler.

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