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L'ennemi de Dieu

L'ennemi de Dieu

Titel: L'ennemi de Dieu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Bernard Cornwell
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Je
regardai les neuf os. Tous, sauf la mystérieuse troisième côte, portaient
encore des bouts de viande, de tendon et de cartilage. Seul le troisième était
parfaitement nettoyé et blanc. Je l’effleurai du doigt, prenant grand soin de
ne pas perturber le fragile équilibre de cette tour écrasée. « Et qu’en
est-il du troisième os ? »
    Merlin sourit.
    « Le
troisième os, Derfel, c’est le mariage entre Lancelot et Ceinwyn. » Il s’arrêta.
« Prends-le. »
    Je ne bougeai
pas. Le retirer, c’était faire s’effondrer le fragile réseau d’alliances qui
était le meilleur espoir d’Arthur : en vérité son unique espoir de vaincre
les Saxons.
    Merlin devina
ma répugnance et se saisit du troisième os sans pour autant le dégager. « Les
Dieux ont horreur de l’ordre, grogna-t-il. L’ordre, Derfel, voilà ce qui
détruit les Dieux, si bien qu’il leur faut détruire l’ordre. » Il retira l’os
et la tour s’écroula aussitôt. « Arthur doit restaurer les Dieux, reprit
Merlin, s’il veut ramener la paix en Bretagne. » Il me tendit l’os. « Prends-le. »
    Je ne bougeai
pas.
    « Ce n’est
qu’un amas de vieux os, mais celui-ci, Derfel, c’est le désir de ton âme. »
Il me tendit l’os immaculé. « Cet os, c’est le mariage de Lancelot et de
Ceinwyn. Brise-le, Derfel, et le mariage n’aura jamais lieu. Laisse-le intact,
Derfel, et ton ennemi conduira ta femme dans sa couche pour la besogner comme
un chien. » De nouveau, il insista pour que je prenne l’os, mais je ne bougeai
pas. « Tu crois que ton amour pour Ceinwyn ne se lit pas sur ton visage ?
demanda-t-il d’un ton railleur. Prends-le ! Parce que moi, Merlin d’Avalon,
je te donne à toi, Derfel, le pouvoir de cet os. »
    Je le pris,
les Dieux me viennent en aide, mais je le pris. Que pouvais-je faire d’autre ?
J’étais amoureux. Je pris l’os et le fourrai dans ma bourse.
    « Ça ne
servira à rien, railla Merlin, à moins que tu ne le casses en deux.
    — De
toute façon, ça ne me servira en rien, répondis-je, découvrant enfin que je
pouvais tenir debout.
    — Tu es
un sot, Derfel, trancha Merlin, mais un sot qui est une bonne épée. Voilà
pourquoi j’ai besoin de toi si nous devons nous engager sur la Route de
Ténèbre. » Il se releva. « À toi de choisir, maintenant. Tu peux briser
l’os, et Ceinwyn viendra à toi, je te le promets, mais en ce cas tu auras fait
le serment de partir à la recherche du Chaudron. Ou tu peux épouser Gwenhwyvach
et gâcher ta vie en t’épuisant à enfoncer les boucliers saxons pendant que les
chrétiens complotent de prendre la Dumnonie. A toi de choisir, Derfel.
Maintenant, ferme les yeux. »
    Je fermai les
yeux, les gardai clos, docilement un long moment. Puis, faute de nouvelles
instructions, je finis par les rouvrir.
    Le sommet de
la colline était désert. Je n’avais rien entendu, mais Merlin, Nimue, les huit
os et la coupe : tout avait disparu. L’aube pointait à l’horizon, les
oiseaux piaillaient à tue-tête dans les arbres, et j’avais un os bien nettoyé
dans ma bourse.
    Je descendis
pour rejoindre la route qui longeait la rivière, mais dans ma tête je voyais l’autre
route, la Route de Ténèbre qui menait à l’antre de Diwrnach, et j’avais peur.

 
     
    Ce matin-là,
nous sommes allés à la chasse au sanglier. Alors que nous nous éloignions de
Caer Sws, Arthur rechercha délibérément ma compagnie.
    « Tu nous
a quittés de bonne heure, hier soir.
    — Mon
ventre, Seigneur. »
    Je ne voulais
pas lui dire la vérité, que j’avais été avec Merlin, car il aurait soupçonné
que je n’avais pas encore renoncé à la quête du Chaudron. Mieux valait mentir. « J’avais
des aigreurs d’estomac. »
    Il rit. « Je
ne sais pas pourquoi nous appelons ça des banquets, parce que ce n’est qu’un
prétexte à boire. » Il s’arrêta pour attendre Guenièvre, qui aimait la
chasse et qui portait ce matin-là des bottes et des pantalons de cuir sanglés à
ses longues jambes. Elle cachait sa grossesse sous un justaucorps de cuir sur
lequel elle portait un manteau vert. Elle avait apporté une laisse de ses chers
lévriers, et elle me tendit leur longe afin qu’Arthur pût lui faire passer le
gué dans ses bras à côté de l’ancienne forteresse. Lancelot fit la même
galanterie à Ceinwyn, qui roucoula visiblement de plaisir entre ses bras.
Ceinwyn avait elle aussi passé des vêtements d’homme, mais les

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