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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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flacon de rhum et emplit deux verres à ras bord. Il en tend un à Nicolas.
    — Buvez ! Votre figure est éloquente ; l’émotion a été rude. Contez-moi donc comment cela s’est produit ?
    Nicolas reprend souffle et boit ; la liqueur l’inonde d’une bonne chaleur. Il exhale un long soupir tremblé et se met à raconter à Semacgus les événements survenus à Meudon.
    — Mais, achève-t-il, me direz-vous à la fin ce qu’on est en droit d’attendre de l’état de mon pauvre Pierre ?
    — Rassurez-vous mon ami, que du bon. C’est une forte nature que notre Bourdeau. Et surtout il a eu beaucoup de chance.
    — Et encore ?
    — Je ne vais pas vous tympaniser avec des détails de la profession. Qu’il vous suffise de savoir que la balle qui l’a frappé s’est échappée après l’avoir traversé de part en part. J’ai sondé la plaie. Certes elle a contusionné plusieurs côtes, mais n’a lésé aucun organe noble. Le danger d’une telle blessure réside dans le risque que les parties molles sous-jacentes ne soient écrasées, d’où épanchement de sang et risque d’infection et de gangrène. Il faut donc donner promptement issue à ce liquide, ce que j’ai fait.
    — Mais il est inconscient ?
    — C’est l’apparence qu’il vous offre. En vérité à son arrivée il était conscient au point d’avoir demandé de vos nouvelles. Maintenant il se trouve sous l’effet d’une potion de ma fabrication : éther, valériane, laudanum, sirop de capillaires et quelques petits ingrédients secrets. Il repose paisiblement.
    — Et donc, la suite ?
    — Ne peut être que favorable. Vous l’avez sans doute sauvé en me le faisant amener. Mes confrères, ceux du Châtelet en particulier, nous l’auraient tué. Ils ne connaissent que la saignée et l’émétique ! Ah, il serait mort de deux médecins et de quatre apothicaires ! En ai-je extrait des balles et soigné de telles blessures. C’était le tout-venant de chaque bataille… avec les amputations.
    Il considéra Nicolas.
    — Mon ami, il vous faut reposer. Bourdeau est entre de bonnes mains. Awa et moi allons nous relayer pour les premières heures, toujours décisives, quoique le risque soit minime. Vous, je demande à mon cocher de vous reconduire à Paris. Oui, je sais, l’enquête. Cette dame… Mais pour ce soir, je vous autorise seulement à prévenir Mme Bourdeau. Tout autre que vous ne la rassurerait pas. Laissez votre monture dans mon écurie et envoyez quelqu’un la prendre demain.
     
    Apaisé, mais serein – serait-ce l’effet du vieux rhum de Semacgus ? –, Nicolas s’endort dans la voiture et se retrouve devant la demeure de Bourdeau, à l’angle de la rue des Fossés-Saint-Bernard et de la rue Blanche. À peine a-t-il soulevé le marteau qu’apparaît Mme Bourdeau en chenille, la chevelure dénattée. À sa vue, elle fond en larmes, pressentant un drame, tant extraordinaire est la présence du commissaire à cette heure. Il la prend dans ses bras, la berce, lui parle à l’oreille pour lui conter l’événement. Il la rassure tandis que trois petites têtes montrent leur minois à une porte entrebâillée.
    — Je dois partir à Vaugirard. Monsieur Le Floch, pourriez-vous m’accompagner ?
    — Jeanne, il faut être raisonnable. Pierre dort. Il a pris une potion de notre ami. Votre présence ne peut, en pleine nuit, que susciter une fâcheuse émotion et troubler ces premières heures où le calme est essentiel. Passez une bonne nuit. Je vous envoie à l’aube l’équipage du docteur qui m’a conduit à Paris. Prenez vos dispositions pour les enfants. Je vous donne ma parole que tout va bien.
    Il a du mal à la convaincre, mais au bout finitpar l’emporter. Elle le remercie. Il l’embrasse. Il reprend la voiture et ordonne d’être conduit au Grand Châtelet. Il n’entend pas dormir cette nuit.

    Lundi 17 juin 1782
    Nicolas consulta sa montre quand il arriva en vue de la vieille forteresse. Que voulait-il faire passé minuit ? Le savait-il seulement lui-même ? Il gravit l’escalier quatre à quatre et réveilla le père Marie qui dormait, ronflant sur la couchette de son guichet. Ahuri de voir surgir le commissaire, il se déborda 68 en reproches.
    — Quelle mouche te pique de troubler le repos d’un vieil homme ? Y a-t-il le feu ?
    — Enfin, tu sais ce qui s’est passé et que Bourdeau a pris du plomb !
    — Certes. Les gens du guet m’ont conté la chose. As-tu des

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