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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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plus que lui. Il essaya de savoir qui était présent, mais on mit le doigt sur les lèvres en roulant des yeux inquiets, le tout souligné par des haussements de sourcils. L’huissier gratta à la porte, chose peu commune. La voix de Le Noir répondit. Le commissaire entra et prit aussitôt la mesure de l’importance de la réunion. Le lieutenant général de police était debout derrière son bureau, le teint fort animé et tirant sur ses manchettes, signe chez lui d’un énervement patent. Devant lui, deux personnages assis. Dans l’un il reconnut M. de Vergennes, raide et compassé et, à l’évidence, pressé d’en finir. À côté de lui, Benjamin Franklin. Alors qu’il s’approchait en saluant, Nicolas fut dévisagé par celui qu’il avait naguère accueilli à Auray lors de son arrivée en France. Le savant avait vieilli, frileusement enveloppé plus que vêtu d’une longue veste beige à col de fourrure qui surprenait par cette saison. Les cheveux avaient blanchi. Ilreconnut les yeux froids et, à la vérité, peu amènes, le nez fort, la bouche aux lèvres rentrées, comme aspirées, sans doute en raison d’un dentier. Il avait encore grossi car, selon les fiches de police que le commissaire consultait avec régularité et en dépit d’affirmations dignes d’un anachorète de la Thébaïde, il fréquentait toutes les bonnes tables, ne dédaignait pas la bonne chère et appréciait fort la bière et le vin. Derrière se tenait un homme jeune à la mine sombre, vêtu de noir, qui paraissait être un garde du corps.
    — Eh bien, puisque le commissaire Le Floch est parmi nous, la séance est ouverte.
    Vergennes approuva. Nicolas s’interrogea sur le pourquoi du caractère solennel de la réunion.
    — Monsieur l’ambassadeur, dit le ministre, vous avez souhaité rencontrer le lieutenant général de police pour une affaire délicate. Il n’a pas autorité pour traiter avec un ministre étranger, fût-il celui d’une nation alliée.
    — C’est pourquoi, dit Le Noir, j’ai rendu compte à monseigneur…
    — Si nous allions directement au fait, coupa Vergennes, en se tournant, raide, vers Franklin. Nous vous écoutons, monsieur l’ambassadeur.
    — Puis-je d’abord, monseigneur, dit l’intéressé d’une voix lourde et avec un accent effroyable, excuser moi d’avoir créé une difficulté à vous pour venir de Versailles. Vraiment, je suis désolé. C’était un gros erreur de ma part, mais je voulais pas déranger vous.
    Vergennes chassa les mouches d’une main impatiente.
    — Je souhaitais seulement voir M. Le Noir à qui j’ai introduit déjà M. Smith, mon attaché.
    L’homme en noir s’inclina, mais personne à part Nicolas ne lui prêta la moindre attention. Cette précision était-elle à destination du dernier arrivé ?
    — Je suis gêné d’apprendre, non, d’avoir à vous apprendre le tout ce que je sais. J’irai pourtant straight … comment vous dites en français ?
    — Droit au but, directement, dit Nicolas.
    — Merci, monsieur le marquis.
    Il paraissait que depuis leur première et unique rencontre, l’homme se fût renseigné sur lui.
    — Droit au but, well  ! Il y a eu événement fatal de l’hôtel, rue de Richelieu.
    — Oui, monseigneur, dit Le Noir qui craignait qu’on le crût mal informé. Un noble russe, le comte de Rovski, officier de la garde impériale, a été trouvé, disons égorgé, dans sa chambre. Le commissaire Le Floch a été chargé d’une enquête… Discrète comme il se doit, au vu des circonstances.
    — Et quel est le lien, reprit Vergennes, entre cet assassinat et la représentation américaine à Paris ?
    — C’est précisément, monseigneur, ce que j’ai à vous exposer. Il se trouve que par un très malheureux imprévu… hasard, oui, hasard, ce comte de Rovski a reçu ce soir-là un de mes concitoyens et que par un très renouvelé opportunité, non aléa, il a perdu dans cette chambre un objet précieux, enfin un souvenir, à lui appartenant.
    — Dois-je comprendre, monsieur l’ambassadeur, que nous sommes ici réunis pour rechercher un objet perdu ?
    Vergennes avait pris ce ton d’inimitable hauteur et d’arrogante froideur que les étrangers depuis Louis le Grand reprochaient aux Français.
    — L’ambassadeur parle sans doute de cet objet, dit Nicolas à la surprise générale, présentant lapièce percée découverte dans la chambre de la rue de Richelieu.
    Franklin mit ses besicles et tendit

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