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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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savant distingué. Je lui promis de lui adresser mon mémoire imprimé sur le passage du Nord.
    Louis, à qui la leçon avait été faite par son père sur les passions du duc, l’interrogea à ce sujet et dut subir une longue digression sur ce thème qu’ilentendit fort respectueusement, posant aux bons moments les questions utiles. Le duc, ravi de l’intérêt du jeune homme, lui promit de lui envoyer sa brochure.
    Ils prirent congé vers les six heures de relevée et soupèrent frugalement avec Noblecourt qui se fit raconter par le menu le récit de leur après-midi.

    Lundi 27 mai 1782
    Nicolas appréhendait cette journée et ses suites avec une angoisse qu’il n’avait de longtemps éprouvée. Il décida, avant de se rendre à l’hôtel de police où se réunirait l’état-major de l’opération afin d’y vérifier une dernière fois le dispositif mis en place, de visiter M. Böehmer, le joaillier de la couronne. Peut-être en tirerait-il quelques informations utiles. Il reviendrait rue Montmartre afin de changer de costume pour la matinée à la Comédie-Française en présence du comte et de la comtesse du Nord. À la réflexion, alors qu’il ajustait son catogan, il décida de faire un saut préalable à l’hôtel de police pour y vérifier les fiches existantes sur le joaillier de la couronne. Ces vieux rapports étaient souvent d’une richesse insoupçonnée.
    Le joaillier Charles-Auguste Böehmer, juif saxon d’origine, y était décrit comme actif, hardi et intelligent. Il s’était associé avec Paul Bassenge, originaire de Leipzig, et ils avaient ouvert depuis des années une boutique de haut luxe place Vendôme. Outre l’affaire du portrait, quelques apostilles ajoutées à la note indiquaient aussi que les deux associés avaient composé des années auparavant un collier en esclavage , à l’origine destiné à Mme du Barry.Le roi étant venu à mourir, la commande leur était restée sur les bras. Nicolas retrouva dans ces notes éparses une vieille connaissance, Baudart de Saint-James 43 , trésorier de la marine, à qui ils avaient emprunté deux cent mille livres en vue de payer une partie des pierres réunies pour ce bijou. Il en trouva d’ailleurs une description et l’évaluation : 2 300 carats, 647 diamants et brillants de quarante carats pour un prix de 1 600 000 livres. Nicolas observa que M. Böehmer avait à plusieurs reprises proposé le collier à la reine qui avait refusé, sans doute effrayée de l’immensité de la dépense. Les bijoutiers désespéraient, concluait cette fiche, de vendre le joyau dont plusieurs cours européennes avaient, elles aussi, repoussé l’achat.
    M. Böehmer, aimable petit homme tout en rondeurs et sourires, s’enquit de ce que désirait Nicolas. Il parut inquiet d’apprendre que son éventuel client était commissaire au Châtelet.
    — Permettez-moi de m’étonner de votre visite. Puis-je connaître son objet ?
    — Vous allez comprendre.
    Nicolas sortit de sa poche un louis d’or qu’il déposa sur le velours du tapis qui couvrait le comptoir de chêne clair.
    — Auriez-vous la grande obligeance de vérifier la véracité de cette pièce ?
    Böehmer eut une espèce de haut-le-cœur et secoua la tête, sans doute dans l’expectative de la conduite à tenir.
    — Monsieur, monsieur, comme vous y allez ! Ai-je l’apparence d’un trébucheur du Pont-au-Change 44 pour déférer à votre demande ? Je suis le joaillier de la couronne.
    Nicolas prit son air le plus engageant.
    — Monsieur Böehmer, vous vous méprenez, même si, comme on dit, qui peut le plus peut le moins. Loin de moi l’idée d’offenser la dignité de votre négoce. Cependant si je vous précisais que ma requête est peut-être liée à l’activité d’une certaine dame qui s’est fait appeler Bruth ou Brienne, cela changerait-il votre manière d’apprécier ma demande ?
    — Point, monsieur, ces noms ne signifient rien pour moi.
    Nicolas avait conservé un nom pour une nouvelle offensive en surprise.
    — Et Mme Dabout-Spada ?
    Pour le coup Böehmer ne put s’empêcher de sursauter.
    — Je constate que vous la connaissez, dit Nicolas, poussant son avantage.
    — Je ne peux dire le contraire, encore que ce nom me replonge dans une mauvaise affaire que j’aurais souhaité oublier.
    — Je vous remercie de votre sincérité. Procédons par ordre. Princesse de Kesseoren, cela vous dit-il quelque chose ?
    — Point.
    — Bien.

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