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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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fraises au vin et au rhum délicatement parfumée de vanille et de cannelle. L’exercice s’imposait et comme ils étaient tous deux conviés par le duc de Croÿ dans son jardin d’Ivry, Nicolas fit seller Sémillante, qui botta d’enthousiasme à la perspective d’une sortie, et l’autre jument, louée à l’intention de Louis le temps de son séjour parisien.
    Le duc de Croÿ, qui venait de rentrer d’une visite de ses terres du Berry, parut vieilli et fatigué à Nicolas, mais toujours allant et empreint de cette courtoisie française que les temps nouveaux tendaient à repousser dans des cercles de plus en plus restreints. Il interrogea Louis avec bienveillance sur le service à Saumur. Le jeune officier répondit en concision à un personnage qui, d’évidence, lui en imposait d’autant plus que son père l’avait prévenu que leur hôte, détenteur d’un important commandement en Picardie et en Artois, était sur le point de recevoir le bâton de maréchal de France. Certes Louis connaissait le duc de Richelieu, mais ce personnage dont les rapports étaient si anciens et étroits tant avec son père qu’avec Noblecourt lui semblait faire partie de sa famille, quelle que fût l’admiration portée au vainqueur de Fontenoy et de Port-Mahon.
    Le duc leur fit les honneurs de ses vergers et même goûter ses premières fraises noyées de crèmedouble provenant d’une laiterie voisine. Nicolas admirait le paysage de Paris nimbé d’une légère brume. Les petits-enfants du duc de Croÿ jouaient en riant autour d’eux. L’heure était à la paix, au bonheur et au plaisir de vivre.
    — Mes compliments, monseigneur, dit Nicolas d’une voix forte, connaissant la surdité de son interlocuteur, pour vos plantations. Chaque fois que vous m’offrez l’occasion de les visiter, j’observe leur croissance et leur fécondité.
    — C’est une joie pour nous aussi de les retrouver quand je reviens à Paris. Avez-vous visité les nouvelles installations des jardins du petit Trianon ? La reine a ordonné à Richard d’en modifier le dessin. Imaginez qu’à la place de la serre chaude que goûtait tant notre feu roi…
    Il tira son chapeau.
    — … je crus être fou de découvrir des montagnes, un grand rocher et une rivière. Jamais deux arpents de terre n’ont tant changé de forme ni coûté tant d’argent. Quelques parties me parurent manquées. Trop de genres mêlés, le désordre anglais, le ton chinois et l’architecture grecque. En revanche je félicite Richard qui, se livrant à son goût et à son talent, y place de grands arbres et des espèces rares de toutes sortes. Serez-vous au bal de la reine ?
    — Certes, avec le vicomte.
    — Bien, bien. Avez-vous rencontré déjà le comte du Nord ?
    — Je dirai, entr’aperçu lors de sa présentation à Sa Majesté.
    — J’y étais. Je l’ai trouvé très petit et de la figure la moins prévenante, ce qu’il rachète d’ailleurs par son bon ton. Quant à sa femme, une Wurtemberg,c’est une grosse roide, point vilaine. Il est à parier que l’impératrice, qui a fait le mariage, ne l’a point choisie intrigante !
    — Avez-vous été présenté au prince ?
    — En raccroc ! Je faisais une petite méchanceté au prince Bariatinski, au reste diplomate des plus urbain, lui demandant s’ils avaient un petit pays qu’on appelât comté du Nord. Il me répondit non d’un air embarrassé. La dénomination est un peu forte, les rois de Suède et du Danemark ne sont pas des zéros ! C’était le 23 mai, il y eut soirée de gala à l’opéra du château. Le comte du Nord, voulant faire honneur au pays qui le reçoit, avait demandé une œuvre française.
    — Ce n’est pas ce qui était prévu.
    — On choisit donc de présenter La Reine de Golconde , en trois actes. Le premier, si vous voulez mon avis, est bien long et, seul, le deuxième est charmant 41 . Et Castor et Pollux qui suivait ne rachetait rien. Beaucoup renâclaient à ce spectacle et jetaient de hauts cris. Comment ? Voici qu’à grands frais on offre aux oreilles de leurs altesses ces antiques beautés au lieu des chefs-d’œuvre de Gluck ! Le roi donna la meilleure place au couple russe et, en dépit de l’ incognito , les plus grandes distinctions leur furent prodiguées. À cette occasion, il y eut appartement. Le ministre russe, pourtant marri de mon algarade, me présenta. Je dis au prince que j’étais en correspondance avec leur fameux Pallas 42 ,

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