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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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disent. Elles ne prévoient pas l’avenir, elles nous mettent en garde contre lui, car notre liberté est entière et totale d’échapper à un destin funeste. C’est sur nous-mêmes qu’il faut faire effort en toute connaissance de cause et c’est de notre propre courage dont dépend notre salut.
    — Personne ne m’a jamais parlé ainsi. J’avais peur d’avoir peur et voilà que vous me donnez des raisons d’espérer.
    Tous mes moments ne sont qu’un éternel passage
    De la crainte à l’espoir, de l’espoir à la rage.
    Le visage du tsarévitch s’éclairait, comme empreint d’une paisible indifférence.
    — Le roi vous connaît-il ?
    — Son aïeul le feu roi, dont j’étais le serviteur, me présenta à son petit-fils.
    — Vous l’approchez ?
    — J’ai cet honneur et jouis de sa confiance.
    — Louis est un homme heureux d’avoir des serviteurs tels que vous.
    — Je serais reconnaissant à Votre Altesse impériale qu’elle me permette d’être secondé dans cette enquête et dans l’organisation de sa sûreté par l’inspecteur Bourdeau, mon fidèle adjoint depuis plus de vingt ans. Sa discrétion est absolue.
    — Heureux homme vous aussi d’avoir un fidèle. J’y consens. Faites au mieux.
    — Je vais, monseigneur, me rendre au Grand Châtelet afin d’examiner s’il y a quelque chose à tirer de l’ouverture des corps. Ensuite je m’installerai à l’hôtel de police à quelques pas d’ici, rue Neuve-des-Capucines, et dès demain matin je serai ici à l’ouvrage.
    — Que cela soit !
    À nouveau il eut le geste de prendre Nicolas par les épaules et le secoua d’un air convaincu, puis il recula et, tout en le regardant, il gagna la porte.
     
    Nicolas quitta l’Hôtel de Lévi sans avoir revu le prince Bariatinski, sans doute retenu par son illustre visiteur. Alors qu’il se dirigeait vers l’hôtel de police, il vit venir à lui Rabouine courant et essoufflé.
    — Nicolas, Nicolas ! M. Le Noir t’attend. Sartine est là qui te veut parler.
    Voilà qui ajoute au tableau, songea Nicolas.L’apparition soudaine de l’ancien ministre augurait mal la sérénité de l’entretien. Tout en pressant le pas, il mit de l’ordre dans les impressions qui se bousculaient à la suite de sa conversation avec le comte du Nord. Quel étrange personnage et tellement étoffé pour le malheur ! Que Paul Romanov, traqué par ses peurs et persuadé d’être poursuivi par la vindicte de sa propre mère, pût un jour être l’autocrate d’un vaste empire, ne laissait pas de jeter un doute sur le principe même qui régissait la succession des souverains.
    Des propos de Bourdeau lui revinrent qui, parfois, osaient avancer que le vice de la monarchie résidait dans une hérédité, source toujours possible d’incapacités et de troubles. Ce à quoi Nicolas répondait, sans trop polémiquer avec son ami, que ce système de gouvernement impliquait en lui-même le sentiment et, avec lui, la fidélité envers un homme qui était le ciment entre les différents ordres du royaume. Quelque corruptible ou médiocre que puisse être un roi, le bien public s’impose à lui au bout du compte en tant que père de ses sujets. Et, ajoutait-il, à bien y regarder, quel souverain depuis les premiers capétiens avait manqué à son serment du sacre et démérité de sa charge ? Bourdeau grognait, regimbant et riant à la fois, écrasé, disait-il, par la candeur de Nicolas.
     
    Dans le bureau de Le Noir, les vieilles situations refaisaient surface. Sartine s’était installé dans le fauteuil du lieutenant général de police. Il maniait les objets du bureau, les posant et disposant en les transférant de place, marque chez lui de la plus grande irritation. Debout, le vrai titulaire de lafonction, la tête basse, semblait un écolier pris en faute.
    — Vous voilà, Nicolas ! Belle réussite en vérité ! Hein ? Un désastre et, comme toujours avec vous, une ribambelle de cadavres. C’est égal, il n’y a rien à faire, où que vous passiez, il faut que vous les semiez, c’est une manie chez vous !
    —  Par la bonne fortune on se trouve abusé, / Par la fortune adverse on devient plus rusé : / L’une éteint la vertu, l’autre la fait paraître.
    — Ah ! Non pas cela, pas vous, pas aujourd’hui ! Nous n’avons pas besoin d’un poète, mais d’un policier. D’un policier, entendez-vous ? Rengainez, monsieur, votre Marot.
    — Du Bellay, monseigneur, du

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