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L'enquête russe

L'enquête russe

Titel: L'enquête russe Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-François Parot
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    — La vie et la fortune sont pourtant à la discrétion des serviteurs. Ils voient tout et savent beaucoup. Nous sommes ici habitués à les écouter et nos enquêtes s’en portent bien.
    — Soit. Faites comme il vous plaira, nous vous devons tout.
    Nicolas s’entretint à voix basse avec Bourdeau. Les cadavres seraient transportés à la basse-geôle,dévêtus, leurs habits dûment fouillés, ce qui d’évidence n’avait pas été le cas, enfin examinés par Sanson et Semacgus ou par l’un des deux. Le temps pressait. L’inspecteur courut dans la cour pour accélérer les opérations de départ de la charrette. Nicolas fut conduit par le prince Bariatinski dans un grand salon d’apparat. Un lourd silence s’établit. L’ambassadeur paraissait plongé dans des pensées peu plaisantes. Nicolas supposa qu’il préparait la manière de présenter le drame au comte du Nord.
    Nicolas ruminait un remords qui ne le quittait pas. Il se reprochait de n’avoir pas suffisamment poussé ses arguments pour arrêter ce projet auquel il n’avait jamais porté créance. Que ne s’était-il opposé à Sartine, qui sans doute, oubliant le prix payé, allait se féliciter du succès final de l’opération, fût-elle manquée dans sa première épreuve ? Le fracas de plusieurs équipages se fit entendre et l’ambassadeur quitta en hâte le salon. Après un long moment, des voix et des pas se rapprochèrent. Les deux battants de la porte s’ouvrirent soudain et d’un pas pressé, le chapeau sous le bras, le comte du Nord marcha sur Nicolas, qui s’inclina, son tricorne à la main.
    Nicolas vécut cette rencontre avec le flegme de qui, de longue main, avait l’usage des cours. Il avait servi deux rois de France, devisé avec Marie-Thérèse à Schönbrunn et avec l’empereur Joseph dans la crypte des Capucins, nul ne le pouvait émouvoir. Il n’oubliait pas que sa mission consistait, certes à s’insinuer dans le cercle étroit des entours du prince, mais aussi à étudier son caractère. Il s’était promis de le considérer comme un homme et non à travers ce qu’il incarnait.
    De taille moyenne, Paul dès l’abord n’en imposait pas dans son habit noir un peu étriqué qu’eût blâmé maître Vachon. La laideur commune du visage frappait, que rien ne relevait et qu’aggravaient un nez épaté, des pommettes proéminentes, des sourcils pâles et une calvitie remontée qui donnait au crâne la forme d’une ogive. Le cheveu rare et blond, poudré à frimas, était coiffé de chaque côté en rouleaux frisés. La bouche bien ourlée aurait rallié les suffrages si elle était demeurée close. Le regard, fixe ou fuyant, selon, frappa Nicolas ; il résumait l’ambiguïté du personnage et paraissait refléter les impressions du moment, successivement l’aimable séduction ou l’inquiète sévérité, sans se fixer jamais. D’évidence, le tsarévitch faisait en permanence un effort qui lui coûtait pour dissimuler son ennui et, peut-être, une cruelle angoisse.
    — Monsieur le marquis de Ranreuil, nous vous avons grande reconnaissance pour le service que vous venez de nous rendre.
    — Son Altesse impériale peut être assurée que je n’ai fait que mon devoir.
    Paul se tourna vers Bariatinski.
    — Laissez-nous. J’entends m’entretenir en privé avec le marquis de Ranreuil.
    L’ambassadeur eut un imperceptible mouvement de dépit, sembla vouloir dire quelque chose et, enfin, se retira sur un geste impératif du prince.
    — Ah, monsieur, à qui puis-je me confier ? Le peu d’amis qui me restent sont espionnés, poursuivis… Et ici dans ce pays que j’aime et qui m’accueille avec tant de transports, je serais bien fâché qu’il y eût auprès de moi, dans ma suite, le moindre caniche fidèle à ma personne : ma mère l’aurait fait jeter à l’eau avant que nous ayons quitté Paris 47 .
    Cette sortie de but en blanc laissa Nicolas pantois. Que l’héritier d’un immense empire en vînt à ouvrir son cœur à un étranger inconnu, sans la moindre précaution, le sidérait. Que pouvait-il répondre et attendait-on qu’il répliquât ? Il s’y résolut pourtant.
    — Votre Altesse impériale peut ainsi mieux apprécier le dévouement de son perroquet qui a, si intelligemment, dissimulé la broche à émeraude.
    Paul éclata de rire. Cette hilarité soudaine le dérida, modifia ses traits irréguliers, le rajeunit. Dans un élan spontané, il saisit Nicolas aux épaules et

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