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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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produisait, il regardait rapidement ses chaussures, presque toujours fraîchement cirées, et se disait que la vie était bien bonne pour lui. Si ses visions se faisaient trop harcelantes, il sortait les lunettes de son père et le priait d’éloigner les spectres. La plupart du temps, son père venait à son secours, il en était convaincu.
    – Comment se fait-il qu’il y ait de la poussière sur les pots de bonbons?
    Le gérant du magasin rougit et haussa les épaules avec l’expression d’un enfant pris en défaut. Jan lui montra un pot et jeta un rapide coup d’œil aux deux autres employés. Ils s’étaient figés et Jan comprit qu’il était craint, malgré son accent si lourd qu’il leur était difficile de le comprendre. La caissière se précipita avec un torchon mais Jan fit non de la tête, reportant son attention sur le gérant.
    – Ce que je veux savoir, c’est pourquoi il y a de la poussière. Est-ce un produit qui ne se vend pas bien?
    Le gérant sembla soulagé. Jan l’emmenait sur un terrain qu’il connaissait beaucoup mieux que la poussière.
    – Oui.
    Jan fut sincèrement étonné d’apprendre que sa clientèle de l’ouest de la rue Sainte-Catherine préférait de beaucoup les bonbons à la menthe et les bonbons auxfruits acidulés aux bonbons au beurre, aux jujubes et aux
jelly beans
. Demandant au gérant de le suivre, il alla devant l’étagère de biscuits et sortit des sacs qui lui semblaient défraîchis.
    – Ils n’aiment pas ces biscuits non plus?
    – Un peu, quand ils ont des enfants. Mais ils préfèrent les biscuits de fantaisie. J’en commande en plus grande quantité que les biscuits
Parade
.
    – En avez-vous encore, des biscuits Parade, en réserve?
    – Oui.
    Sans ajouter un mot, Jan alla chercher un carton et il l’emplit de tous les biscuits qui, selon son gérant, se vendaient mal.
    – Ils n’aiment pas les biscuits à la guimauve et à la noix de coco?
    Le gérant fit signe que non. Jan vida presque l’étagère, ne laissant que quelques sacs. Ses clients du plateau Mont-Royal seraient ravis du solde de biscuits qu’il allait faire, sans compter Nicolas qu’il inviterait à faire une petite fête pour souligner la fin des classes et la Saint-Jean-Baptiste.
    Même s’il possédait cette épicerie depuis plus d’un an et qu’il était plus que satisfait du rendement, il venait de prendre conscience qu’il devait s’adapter encore mieux à son environnement. Il décida de tenir une rencontre avec ses trois gérants l’après-midi même – jamais il n’avait fait cela – afin de comparer leurs besoins. Il téléphona d’abord à M. Grégoire, qui bégaya son assentiment, convaincu qu’il essuyerait une réprimande. Il appela ensuite M. Dupuis – l’oncle de Michelle –, qui assurait la gérance de l’épicerie mère. Il quitta l’épicerie de la rue Sainte-Catherine avecM. Stone à ses côtés, qui avait la tête presque vissée à la fenêtre tant il était intimidé de se trouver dans l’automobile du patron, même si celui-ci était de plusieurs années son cadet.
    Jan regarda les trois hommes avec une fierté qu’il se dissimulait mal. Non seulement les avait-il choisis consciencieusement, mais il s’était fait un point d’honneur de les prendre plus âgés et plus expérimentés que lui-même, ne fût-ce que pour vérifier parfois ses intuitions. Il avait en cela suivi les recommandations de M. Favreau.
    «Ne remplace pas nécessairement un vieux par un jeune. Essaie d’être plus jeune que quelqu’un dans ton entourage. Tu vas gagner en expérience la différence de salaire, crois-moi.»
    Les trois gérants s’étaient presque étranglés d’étonnement de se retrouver assis au
Lutin qui bouffe
, une des meilleures tables de Montréal. Jan avait décidé qu’ils méritaient cette attention. Le repas fut très agréable, et, si quelqu’un s’était donné la peine d’écouter leurs propos, il aurait su la provenance du filet de bœuf de même que celle des chocolats à la menthe offerts dans un plat à la sortie.
    – Ça se vend bien chez nous, les chocolats à la menthe.
    – Ça, c’est
because
les
English
. Pas chez nous. La menthe, c’est pour le dentifrice. Mais le
Kolynos
à saveur de thé des bois est quand même le plus populaire.
    Jan prenait des notes mentalement et il décida d’imposer un travail énorme à ses gérants, leur demandantde coter, sur une échelle de un à cinq, la popularité de tous les

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