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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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l’imprimé de sa robe. Si elle respirait de bien-être, elle n’en étouffait pas moins de fierté quand on qualifiait sa protégée de «petit génie» et qu’on la disait promise à un brillant avenir. Il n’y avait que la récurrence du commentaire suivant: «Dommage qu’elle soit une fille, parce que si elle avait été un garçon...», qui la heurtait. Florence avait connu ce soir-là un succès semblable à ceux qu’elle connaissait toujours, mais Élisabeth avait compris que c’était à elle qu’elle parlait. Elle avait à quelques reprises donné des coups d’archet si originaux, si coulants, et elle avait réussi des legato à faire frissonner même les néophytes. Florence avait tenu son violon comme s’il avait la friabilité d’une coquille d’œuf, mais, ce soir, Élisabeth avait vu devant elle une oiselle blessée. Elle n’avait perçu que la tristesse de Florence, son mal et sa solitude. Une douleur sournoise et mystérieuse. Elle l’attendait encore, bien en vue sur le palier. Normalement, elle aurait été irritée par le retard de Florence, mais, ce soir, elle avait le cœur coincé dans l’étau du remords de l’avoir giflée. Les gens défilaient toujours et elle ne distinguait personne, les yeux encore accrochés au mouvement des
Anges radieux
, et la pensée tournée vers la tête penchée et protectrice de Florence. Il fallait absolument lui demander pardon et lui permettre de bichonner son violon.
    – Mademoiselle Pawulska?
    Élisabeth remit ses esprits au foyer et sourit à la dame qui se tenait devant elle. Elle crut qu’il s’agissait de la mère d’un de ses élèves, mais se ravisa devant les traits étrangers.
    – Je ne vous ai jamais rencontrée, mais j’ai tellement entendu parler de vous.
    – Vraiment?
    – Je suis M me Denis Boisvert.
    Élisabeth se demanda si la chaleur qui venait de lui monter au visage était blanche ou rouge. La femme de Denis, souriante et magnifique, lui tendait une main bien manucurée comme pouvait l’être celle d’une femme qui ne jouait ni du piano ni du violon. Elle portait une robe verte qu’Élisabeth trouva aussi chic que les robes des grands magazines de mode, avec le corsage collé au corps, les épaules dégagées, une taille drapée qui ressemblait à un original de Lanvin. Elle avait les cheveux presque noirs, légèrement crêpés, coiffés en cloche, et des yeux à faire ombrage à l’océan Pacifique tant ils étaient d’un vert-de-gris fascinant. Denis, pensa-t-elle, ne pouvait pas ne plus aimer cette femme.
    – J’ai reconnu votre petite élève.
    Élisabeth fut tirée de sa torture et continua à sourire.
    – C’est une jeune femme, maintenant.
    – Oui, oui, c’est sûr, mais Denis, mon mari, en parle toujours comme de votre petite élève. Vous savez comment sont les hommes. Tant qu’une femme n’est pas mariée, c’est une petite fille. Mais, j’y pense, pourquoi ne vous joignez-vous pas à nous avec elle?
    Élisabeth venait d’apercevoir Denis qui bousculait les gens dans l’escalier pour s’approcher d’elles. Elle se sentait aussi lourde qu’une statue et envia les
Anges radieux
d’avoir pu s’échapper d’un coup d’aile. Denis arriva en souriant et Élisabeth dut se faire violence pour reconnaître en cet homme si beau et sûr de lui l’être écorché qu’elle avait consolé et baigné pour le faire renaître. Il lui tendit la main en disant un «mademoiselle Pawulska» si fort que trois personnes tournèrent la tête pour la regarder.
    – Je dois vous féliciter. Votre petite Florence a joué avec brio. Brio.
    – C’était très bien et j’ai moi-même été emportée.
    M me Boisvert s’était emparée du bras de son mari comme le faisaient toutes les femmes repues et confiantes. Élisabeth en ressentit une douleur à un endroit de la poitrine dont elle avait jusqu’alors ignoré l’existence.
    – Je disais justement à M lle Pawulska qu’elle devrait se joindre à nous pour la petite réception au salon des VIP avec sa petite prodige. Je suis certaine que les responsables des Jeunesses musicales seraient ravis de...
    – Nous les connaissons tous très bien, madame. Et Florence doit, cet automne, faire la tournée avec eux.
    – Vous voulez dire qu’elle suit déjà les traces de Vlado Perlemuter? Tu as entendu, Denis? C’est extraordinaire!
    Denis suppliait Élisabeth de cacher l’agacement qu’il voyait poindre sur son visage de Polonaise. Elle le vit inspirer

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