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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Nicolas à ses côtés. La pluie frappait toujours férocement les vitres et Jan émit un petit juron à travers ses dents toujours serrées.
    – Qu’est-ce qui t’a pris de passer par l’autre escalier? Ça fait combien de temps que tu sais que c’est par l’escalier roulant qu’il faut arriver?
    – C’était plus proche. Et je ne t’ai pas vu. Je ne pouvais pas savoir que tu ne te tenais pas au même endroit que d’habitude. Et je voulais te faire une surprise.
    – Ce n’était pas nécessaire, Nicolas. La surprise, on l’a déjà eue. C’est que je ne suis pas fier de toi! Partir pour un mois au Manitoba et revenir moins d’une semaine après ton départ... Explique-moi, Nicolas, parce que je ne comprends pas. Ça fait un an, un an que tu veux aller à la campagne ou dans une colonie de vacances parce que tu en as marre de toujours être seul. Ta mère et ta tante organisent tout et tu nous téléphones parce que tu n’aimes pas ça. Qu’est-ce qu’il te faut? As-tu au moins aimé quelque chose?
    – Le lait au chocolat dans le train et voyager.
    – C’est tout? Le lait au chocolat dans le train et voyager?
    – Et le tracteur.
    Nicolas continua à parler, de façon hésitante, certes, mais il ne semblait pas avoir le choix. Il avait aussi aimé le marché de Winnipeg.
    – Mais veux-tu me dire pour quelle raison tu n’as pas voulu rester là-bas?
    – Parce que...
    – Parce que quoi?
    – Parce qu’ils parlent toujours en polonais et que je ne sais pas s’ils parlent dans mon dos. Je déteste le polonais. D’autres fois, ils parlent en anglais. C’est pas mieux. Je déteste l’anglais. Je déteste ne pas être capable de demander d’aller aux toilettes.
    – Ils savent tous le français, Nicolas. Sauf Anna. Ne joue pas les misérables.
    – Tante Anna a interdit à tout le monde de me parler en français, pour me forcer à apprendre le polonais et l’anglais.
    Jan comprenait le principe, mais avait de la difficulté à saisir les raisons qui avaient motivé sa belle-sœur. Ils se turent. Ce n’est qu’en arrivant devant le garage que Nicolas donna la véritable raison.
    – Tante Anna rit toujours et je ne sais pas pourquoi. Stanislas est encore plus vieux là-bas qu’ici. Quant à Sophie, elle est méchante.
    – Méchante?
    – Oui. Elle m’a interdit d’aller aux toilettes si je ne le lui demandais pas en polonais ou en anglais. Je n’ai pas pu.
    – Pas pu aller aux toilettes?
    – Oui, et j’avais une grosse envie de numéro deux. C’est pour ça qu’il fallait que je revienne. Je ne sais pas comment laver et je ne pouvais pas mettre mon pantalon et mon caleçon au lavage. J’ai tout caché dans ma valise. C’est tout.
    Jan regarda son fils, le trouva soudainement courageux. Courageux, mais trop sensible. Rentrer pour un froc sale... Il rembraya et conduisit jusqu’au restaurant préféré de son fils, commanda pour chacun un hot-dog, des frites et un dessert.
    – Ta tante n’a pas essayé de te convaincre de rester?
    – Oui. Et Stanislas et Sophie aussi. Même qu’elle s’est excusée sans savoir que j’avais... Mais celui que j’aime le plus, c’est mon oncle Jerzy.
    Jan n’avait pas pensé une seule seconde que Nicolas puisse aimer Jerzy. Le souvenir qu’il avait de son frère ne cessait de se charbonner et Stanislas ne lui en avait pas brossé un tableau très agréable.
    – Ton oncle?
    – Oui. Il est infirme, tu sais...
    – Je sais.
    – Et il m’a raconté la guerre, et la mort de son ami Karol...
    – Son ami Karol...
    – Et la bataille du mont Cassin et l’enfer rouge que ça avait été.
    – Il t’a raconté ça?
    – Oui. Et les sapins de Toronto.
    – Quels sapins de Toronto?
    – Les sapins de M me Mulligan.
    – M me Mulligan, bien sûr... Et il t’a parlé de nous?
    – Nous?
    – Élisabeth et moi.
    – Non. Est-ce que vous vous souvenez de mon oncle Jerzy? Moi, je pense qu’il ne se souvient pas très bien de vous. Surtout de toi.

Deuxième temps

1965-1966

13
    Élisabeth battait la mesure d’une main si gracieuse que Florence y voyait un enjolivement à la pièce que répétait l’orchestre de violons. Les jeunes qui en faisaient partie étaient tous, comme elle, des mordus de musique. Elle savait qu’elle aurait toujours des accrochages avec ses pairs, mais Stanislas lui avait suggéré quelques explications deux ans plus tôt, explications qu’elle commençait maintenant à comprendre, à savoir que l’envie pouvait être

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