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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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étaient anonymes et qu’il avait l’intention qu’ils continuent de l’être. Stanislas se contenta alors de lui demander s’il y avait une plage au lac Achigan et s’il était possible d’y louer des chaloupes. Jan n’avait rien répondu, mais toute la famille s’était retrouvée le dimanche suivant sur le lac, Stanislas, Florence et Élisabeth dans un canot, lui, Michelle et Nicolas dans une chaloupe. Jan et Stanislas avaient scellé leur premier secret; personne d’autre que lui, sauf Nicolas que cela n’avait jamais intéressé, ne savait à qui il destinait ses cartons. Ils s’étaient hypocritement laissés dériver devant le centre et avaient vu les enfants, garçons et filles, celles-ci les cheveux coupés aux oreilles, ceux-là les cheveux rasés, tous habillés d’un uniforme kaki. Ils avaient aussi vu et entendu un groupe de monitrices, vêtues d’un uniforme vert avec un petit collet blanc, faisant le guet sur le quai durant la baignade de centaines de fillettes. Jan avait entrevu à travers les arbres d’immenses pavillons blancs aux toitures décolorées par le soleil mais qui avaient certainement été rouges. Il espérait que l’un d’eux fût le réfectoire, sachant que c’était là que les enfants recevaient ses biscuits et ses friandises. Ils étaient rentrés à Montréal en chantant un air entendu au camp:
    Je cherche fortune
Tout autour du manoir
Au clair de la lune
À Bruchési le soir
.
    Stanislas les avait fait rire en criant à tue-tête une autre chanson qu’ils avaient entendu scander à plusieurs reprises:
    C’est pas moi, c’est ma sœur
Qui a brisé la machine à vapeur!
Poum, popoum, popoum, popoum
...
    Il leur avait dit que cette toute petite chanson lui rappelait Sophie et qu’il avait hâte de la lui crier par la tête.
    Jan ne voyait toujours pas venir Nicolas et il commença à s’inquiéter. Les passagers se faisaient maintenant rares et il arrivait que l’escalator fût vide. Il aperçut un Noir à casquette rouge et lui demanda s’il restait encore beaucoup de monde dans le train.
    –
No, sir, they’re all out. Parsonne
.
    –
Where the hell is my son?
Mon fils!
    –
Your son? Oh! You mean the little shy guy? He left
. Parti.
    Jan ne le remercia même pas et descendit l’escalier mécanique à contresens, à la vitesse de l’éclair. Il avait la gorge nouée et se fouettait mentalement: il n’aurait jamais dû laisser Nicolas revenir seul. Il se donna aussitôt tous les arguments qu’il avait servis à Michelle: que Nicolas était assez grand et qu’il lui fallait s’éloigner de ses jupes; que Nicolas ne faisait jamais rien seul sauf jouer avec son globe terrestre et chevaucher son fauteuil, ce qui était presque inquiétant chez un garçon de son âge.
    «Douze ans, Michelle! Douze ans et il galope encore sur le dossier de son fauteuil! On pourrait peut-être lui offrir des cours d’équitation!
    – C’est déjà fait.
    – Ah oui? Et qu’est-ce qu’il en dit?
    – Il en dit qu’il a peur des chevaux.»
    Que Nicolas, il en était convaincu, avait hâte de faire comme Stanislas et qu’il s’en sentirait heureux; que Nicolas se ferait certainement des amis, parce que toutes les familles voyageaient en train; qu’il n’y avait aucun risque, parce que tout le personnel avait été avisé par télégramme.
    Jan fut terrifié en voyant le quai presque vide, n’apercevant qu’un homme tirant une voiture remplie de valises et de cartons. Il pénétra dans le wagon qu’il savait être celui de Nicolas et ne le trouva pas. Affolé, il revint sur le quai, courut jusqu’au wagon de tête, puis traversa tous les wagons, du premier au dernier. Il refit le trajet, ouvrant, cette fois, les portes de tous les cabinets de toilette et actionnant les rideaux des fumoirs. Aucune trace de Nicolas ni de sa valise. Il remonta en courant et arriva dans la salle des pas perdus au moment où on lui demandait par le haut-parleur de se présenter à la lumière verte, ou l’attendait son fils. Il y fut en moins de deux et se trouva nez à nez avec Nicolas, qui retenait difficilement ses larmes. Jan soupira à la fois de soulagement et de déception. Son fils ne semblait pas avoir encore compris qu’il était beaucoup plus intéressant quand il n’avait pas la larme à l’œil et le mouchoir au nez.
    Jan ne lui parla pas, empoigna la valise et se dirigea vers la voiture. Nicolas le suivait, à un mètre derrière. Jan se retrouva au volant, un piteux

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