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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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avait consumé Florence pendant des mois s’était, semblait-il, éteint. Il n’en restait plus que quelques tisons dans les yeux de Stanislas, mais pas assez forts pour rallumer la flamme.
    Jan regarda l’horloge et décida d’aller prendre un quatrième café, que la serveuse au petit bonnet blanc lui échappa sur la main et sur une cuisse. Il se leva de table si rapidement que sa chaise bascula et il poussa un juron en polonais, ce qui fit lever la tête aux autres clients, curieux de voir celui qui parlait une drôle de langue. Jan se fit la réflexion que Montréal, malgré son statut de grande ville, avait encore à perdre sonétonnement en entendant un mot de consonance étrangère ni française ni anglaise. Cette attitude lui semblait d’autant plus incompréhensible qu’ils se trouvaient tous dans une gare. Jan se rassit pendant que la serveuse, rougissant de sa bourde, apportait un linge humide et propre afin qu’il puisse se nettoyer la main. Il aurait voulu essuyer son pantalon mais il ne le fit pas, n’ayant pas envie de se donner en spectacle une seconde fois. Par la fenêtre, il continua à observer les passants, se demandant ce qu’il lui fallait faire pour qu’ils deviennent tous ses clients.
    Il avait suivi le conseil de Stanislas et avait repensé l’organisation intérieure de toutes ses épiceries, effectuant, quand il le fallait, des travaux de réaménagement, installant un étal de légumes ici, une étagère là, déplaçant les îlots, et, pour se faire plaisir, faisant repeindre tous ses magasins en vert foncé à l’extérieur et en vert pâle à l’intérieur. Il avait observé les peintres en se disant qu’ils pensaient peut-être à quelqu’un de particulier en appliquant la peinture, se souvenant que lui-même avait donné ses coups de pinceau avec une seule idée en tête: le plaisir de M. Favreau. Ce dernier avait eu l’air perplexe en voyant arriver les cartons contenant des lampes de patinoire. Jan avait depuis longtemps décidé de garder cet éclairage, afin de ne jamais laisser ses débuts à Montréal s’éteindre dans l’oubli.
    Il voulut prendre une cigarette, mais vit que son paquet était vide. Il reconnut qu’il était plus anxieux qu’il ne le croyait. Il leva la main, et la serveuse, avide de recevoir un pourboire, accourut. En moins de deux, elle lui apporta un paquet de
Sweet Caporal
, dont elledéchira et froissa l’emballage de cellophane avant de le mettre dans sa poche. Jan referma son
Zippo
, dont le petit clic lui donnait toujours l’impression d’assaisonner par un son sa première bouffée. Il regarda l’heure à sa montre, en frappa la vitre de la jointure de son index pour accélérer les aiguilles, grimaça et décida de se dégourdir les jambes.
    L’odeur de fioul et les vibrations du plancher lui indiquèrent que le train entrait en gare. Il soupira, alla se planter près de l’escalator et attendit cinq bonnes minutes avant d’apercevoir les premiers passagers. Il étouffa la pensée gênante qu’il aurait préféré accueillir Stanislas. Il se demanda comment deux frères tels que lui et Jerzy avaient pu avoir des fils aussi différents. Il se répondit que c’était certainement à cause de la différence qu’il y avait entre lui et son frère. Stanislas était entré dans la maison comme s’il l’avait eu quittée la veille, retrouvant son coin de sous-sol avec joie et ne cachant pas son plaisir de voir un nouveau tourne-disque. Il avait remarqué la nouvelle robe de Michelle et les broches, ô combien disgracieuses, dans la bouche de Nicolas. Michelle avait décrété qu’il ne manquait à son fils qu’un sourire à la Charlton Heston pour qu’il atteignît la perfection, ce que le dentiste, flairant une bonne affaire, s’était interdit de contredire. Stanislas s’était empressé d’aller voir les nouvelles épiceries et semblait avoir vaincu sa crainte de s’éloigner de l’épicerie mère. Il s’était promené de quartier en quartier et avait offert à son oncle de préparer, deux fois par semaine, les cageots de produits défraîchis, qu’ils étaient allés porter ensemble à l’Institut Bruchési. Jan n’osait pas se demander comment il était possible qu’un neveu, un filleul, pût lui ressembler autant. Unmatin de la fin juillet, Stanislas lui avait demandé s’ils pouvaient visiter ce centre de vacances où allaient les produits. Jan lui avait alors avoué que tous les dons qu’il faisait

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