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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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bains, en ressortit doucement et s’étendit à côté d’elle sans prendre la peine de se dévêtir. Il soupira avant de l’enlacer en tremblant. Elle ne savait s’il tremblait de froid, de peur ou de désir.
    – Pourquoi me fais-tu peur, Élisabeth? Je ne peux faire mieux. Tout ce que je peux te promettre, c’est de t’aimer. C’est tout ce que je peux promettre.
    Élisabeth se mit subitement à craindre cette nuit qui avait commencé comme un rêve et prenait des allures de cauchemar. Elle ne sut qui en elle avait parlé, mais elle répliqua du tac au tac qu’à sa femme il avait promis fidélité. Denis se leva sur un coude, la regarda longuement avant de dire, d’une voix hésitante, que depuis quelque temps elle agissait parfois comme une maîtresse.
    – Mais je
suis
ta maîtresse, Denis.
    – Non, Élisabeth. Tu es la femme que j’aime. L’amour de ma vie. Celle dont le souvenir du parfum ou de la douceur de la peau réussit à m’exciter depuis quinze ans. En plein travail. Quand je conduis. Ou chez moi, quand je soupe avec ma femme.
    – Si c’est vrai, Denis, pour quelle raison est-ce que je n’ai jamais de place dans l’avenir? L’avenir le plus éloigné que j’aie connu avec toi était à quatre jours. Quatre jours.
    – Tu l’as toujours su, mon bouton-d’or.
    – Je sais. Je me souviens d’avoir pensé que je voulais vivre toute ma vie dans les coulisses de la tienne. Tout ce que je veux que tu saches, mon amour, c’est que c’est difficile.
    – Ce l’est pour moi aussi. Beaucoup plus que tu ne penses.
    Élisabeth comprit qu’il lui avouait vivre chastement avec sa femme. Ils avaient déjà abordé le sujet et elle avait su que c’était le prix qu’il acceptait de payer pour l’étreindre, elle. Si, depuis qu’elle avait vu cette femme aux prunelles d’émeraude, elle avait mesuré l’immensité de son amour, elle avait néanmoins senti poindre le doute et une espèce de malaise.
    – J’ai vu une luciole.
    – Tu sais reconnaître les lucioles?
    – Étonnant, en effet. Mais elles sont si spéciales, s’illuminant gentiment pour s’éclairer.
    – Ou pour attirer un partenaire.
    Denis se détendit instantanément et éclata de rire devant sa repartie on ne peut mieux documentée.
    – Moi, je suis médecin, Élisabeth. Alors, chaque luciole que je vois est une petite Florence Nightingalequi apporte du soulagement aux lucioles malades. Où est ta poésie, mon bouton-d’or?
    – Je n’ai jamais eu une âme de poète, Denis, tu le sais.
    – Non, je ne le sais pas. Une femme qui peut faire pleurer un instrument de bois est un poète.
    Élisabeth aurait aimé le contredire, mais sa mère lui avait dit une chose semblable un jour, lui expliquant la chance qu’elle avait de pouvoir créer de la poésie en harmonie réelle, et non en harmonie imitative. La remarque de Denis venait de faire se répercuter une autre voix dans la pièce et Élisabeth ne sut si elle lui en savait gré ou si elle lui en voulait de la rendre aussi fragile. «Les poètes travaillent durant toute une vie à trouver des sons pour anesthésier et calmer l’âme des gens. Toi, Élisabeth, tu obtiens le même effet en jouant trois mesures.» Elle le regarda et ne put résister à son sourire retenu, à son admiration, à sa fierté. Elle se dit qu’il était temps qu’elle renvoie le spectre de sa femme dans les limbes, sachant que Denis n’avait pas le choix. Il faisait bien de ne rien lui promettre. Elle ne voulait, ne pouvait le perdre, et elle l’aurait rejeté s’il avait été divorcé, ou méprisé s’il avait abandonné sa femme. Elle aurait été incapable de l’aimer en le sachant trop faillible. Consolé et rassuré, son corps sentit de nouveau l’odeur des cèdres et des pins, réentendit le hululement du hibou, reconnut le coassement de la grenouille et se colla contre Denis dont la respiration fit écho aux soupirs qu’elle savait venir de son ventre.

16
    Florence et Stanislas déambulaient le long de l’étang du parc LaFontaine. Le jour s’achevait et Stanislas était venu les rejoindre, elle et Élisabeth, pour assister à une répétition des Archets de Montréal, ce qu’il aimait bien, et leur faire ses adieux puisqu’il retournait au Manitoba le lendemain. Florence portait des sandales importées du Mexique, de larges lanières de cuir retenues par des œillets métalliques sur une semelle d’élastomère. Elles lui blessaient tant les pieds qu’elle les

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