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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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enleva, foulant la pelouse avec plaisir, la fraîcheur de la pénombre nouvellement tombée faisant l’effet d’un baume. Ils avaient passé plusieurs soirées ensemble, allant le plus souvent possible au cinéma. Ils avaient adoré
Zorba le Grec
, tous deux emballés par la musique et par le jeu d’Anthony Quinn, bien aimé
My Fair Lady
, et trouvé «intéressant»
Alphaville
de Jean-Luc Godard. Ils avaient aussi assisté à quelques concerts en plein air, un sur le mont Royal et deux au Théâtre de Verdure, qu’ils venaient de voir en sortant de la salle de concert du Plateau. Florence trouvait toujours Stanislas aussi séduisant, mais l’écart entre ses quinze ans et ses presque vingt ans à elle commençait à se faire sentir. En vérité, elle ne savait plus si c’était à cause de leur âge, ou parce qu’il étudiait au Manitoba des matières dont elle n’avait jamais entendu parler, tellesces
social studies
, ou parce qu’il vivait au sein d’une vraie famille, avec un père bougon, une mère drôle et patiente, et une sœur surprenante et talentueuse, qui ne réussissait jamais à éviter les complications.
    – Elle a treize ans et, crois-moi, je ne sais pas où sont ses limites. Mon père s’arrache les cheveux et je te jure qu’il prie pour elle parce qu’il a l’impression qu’elle ne pourra pas éviter la damnation éternelle.
    – Pourquoi est-ce qu’elle ne vient jamais à Montréal? J’aimerais la connaître. Élisabeth encore plus.
    – Parce qu’elle est toujours punie, et la punition classique semble être de la priver de ce voyage. Mais si tu veux mon avis, j’ai l’impression que ça fait son bonheur, parce qu’elle répète tout l’été avec son orchestre. Il est même question qu’ils soient en vedette américaine pour un spectacle du groupe The Guess Who.
    – Je n’en ai jamais entendu parler.
    Stanislas ne prit pas la peine de répondre. Il avait beau avoir séjourné à Montréal à trois reprises, il n’y connaissait toujours pas grand-chose. Il fréquentait seulement les gens de sa famille et Florence, et allait uniquement où ils allaient. Il avait aussi fait la connaissance d’Albert, un jeune de son âge, mais l’air de la campagne ne semblait pas faire bon ménage avec l’air de la ville. Il l’avait donc peu vu, s’étant contenté de l’accompagner pour jouer aux quilles, ce dont il avait horreur, et au billard, ce qui l’intéressait un peu plus, mais il n’était pas de taille contre Albert, qui avait un sextant à la place des yeux.
    – Je suis sûre qu’elle va refuser.
    – Qu’est-ce que tu dis?
    – Je dis que je suis sûre que ta tante Élisabeth va refuser de m’inscrire au Concours international deMusique de Montréal l’an prochain. Ce sera la deuxième année. Cette année, c’était du piano; l’an prochain, ce sera du violon. Je veux participer. Montréal n’est pas reconnu pour son école de violon. Mais moi j’ai eu Élisabeth comme maître. C’est ma chance, tu comprends?
    – Ah non! Dis-moi que je rêve, Florence...
    – Pourquoi?
    – Parce que j’ai l’impression d’entendre parler Sophie. À la croire, on ne comprend jamais que chaque occasion est unique. Si mon père veut l’empêcher d’aller quelque part, elle lui crie par la tête qu’il va lui faire rater la chance de sa vie.
    – Je ne crie pas, moi.
    – C’est une façon de parler. Disons qu’elle s’entête.
    Florence le regarda, un sourcil changé en accent grave, l’autre en accent aigu. Elle ne parlait pas d’une première partie de spectacle avec un groupe dont elle ignorait le nom et l’existence, mais d’un concours international de violon devant les grands maîtres du monde. Une chance pour que l’école Pawulska soit enfin reconnue à sa juste valeur. Élisabeth avait été plus que heurtée quand le maestro Wilfrid Pelletier avait dit, quelques années plus tôt, que la formation musicale des jeunes Canadiens français laissait à désirer. Florence se sentait investie de la mission de faire reconnaître le génie d’Élisabeth et ce concours était une étape de plus pour y parvenir. Elle se demandait si Stanislas pouvait voir plus loin que la salle municipale de Saint-Norbert. Elle regretta aussitôt cette réflexion, la trouvant prétentieuse et hautaine. Élisabeth avait horreur de cet air qu’elle se donnait parfois, lui répétant que la simplicitéétait le passe-partout de toutes les portes du monde, y compris celle du

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