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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Florence, lui prit la main et lui fit le baisemain avec toute la grâce et l’élégance dont il était capable. Stanislas eut un sourire admiratif, Florence fut prise au dépourvu et Nicolas lui saisit la main pour y poser une bise sonore.
    Ils partaient lorsque Stanislas se pencha à l’oreille de Florence pour lui chuchoter quelque chose. Elle éclatade son rire cristallin, celui qui interdisait toujours les gens, et lui sauta au cou pour le remercier.
    Jan ne parvint pas à dormir. Florence et Stanislas l’avaient chargé de la mission de convaincre Élisabeth d’inscrire son élève au Concours international de Violon. Il chercha les yeux de son père, se résigna à sortir les lunettes aveugles offertes par Michelle – il ne l’avait pas fait depuis plus de quatre mois – et lui demanda d’intercéder auprès sa sœur.
    – Je pense, papa, qu’elle ne veut pas l’inscrire parce qu’elle craint une contre-performance. J’imagine aussi qu’elle ne veut pas mettre tout le fardeau sur les épaules de Florence. Tu l’aimerais, cette Florence, papa. Toute cette histoire ne me regarde en rien, mais je sais que Florence est un petit prodige et que son génie fait sortir de l’ombre le talent d’Élisabeth. Tu me pardonneras, mais je me torture depuis des heures. Pourrais-tu demander à maman si elle verrait une objection à ce que Florence utilise son violon? C’était le meilleur instrument de la famille, mais Élisabeth n’ose pas y toucher. Je suis certain que Florence le ressusciterait et lui apprendrait des sons que maman elle-même n’avait pas encore découverts. Ce que j’aime là-dedans, papa, c’est que l’idée est de ton petit-fils Stanislas. Nous faisons vraiment une drôle de famille.

17
    Une gelée était arrivée inopinément par une nuit voûtée d’étoiles du début de septembre. Jerzy s’était précipité dehors à l’aube, marchant lentement dans les champs dont la terre était grise et cassante et où plusieurs légumes agonisaient. La nature avait été si bonne et généreuse depuis près de quinze ans qu’il avait oublié qu’elle pouvait transformer son domaine en champ de bataille. Il continua l’inventaire des dégâts, et, malgré lui, calcula en dollars et non en minots le total de ses pertes. Les oignons, les carottes, les navets, les betteraves, les potirons et les choux avaient résisté à l’attaque du givre. Sa seule consolation fut de savoir que la plus grande partie de sa récolte était terminée, et qu’il ne perdait, finalement, que les dizaines de cageots de concombres et de tomates vertes.
    Il était à l’extrémité d’un champ lorsqu’il vit Stanislas venant à sa rencontre. Il y avait quelque chose chez son fils qui l’irritait même s’il ressentait pour lui une affection qu’il ne savait qualifier. Anna, peut-être à bon escient, avait prétendu que ce qu’il n’aimait pas était l’influence de Jan. Cette influence avait été évidente lorsque Stanislas lui avait demandé d’aller porter à l’orphelinat tous les légumes qu’ils n’avaient pu vendre et qui seraient invendables, quoique encore consommables. Il n’avait pu s’insurger contre ce geste,comprenant que c’était la façon de son païen de frère de faire un
Te Deum
pour avoir échappé à la famine. Tous les soirs de marché depuis le retour de Stanislas, ils allaient donc porter les légumes flétris. Anna, simplifiant toujours trop les choses, lui avait aussi dit que cette affection qu’il ne savait qualifier était de l’amour. Il en doutait encore, l’amour étant ce qu’il éprouvait pour elle, toujours semblable à ce qu’il avait ressenti lorsqu’il l’avait rencontrée.
    Stanislas ne l’avait pas encore rejoint et Jerzy se demandait comment il allait aborder le sujet du déménagement. Il leur restait peu de temps à Saint-Norbert, aussi voulait-il faire de sa terre l’une des plus convoitées afin d’en obtenir un bon prix avant leur départ pour la Pologne. Ce départ était urgent. Stanislas terminerait son
high school
dans un an et il lui fallait aller étudier dans une grande école européenne, avec des maîtres dont la culture et le savoir, comme ceux de son grand-père Tomasz, repousseraient les frontières du monde. Stanislas, Jerzy n’en doutait pas, était assez talentueux pour fréquenter un établissement d’enseignement supérieur, donc pourrait étudier en droit, en médecine ou en génie. Les diplômés canadiens comme les

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