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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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pensées, ses regrets, ses rêves? Michelle et Nicolas avaient pillé son autel. Il sortit de table en les remerciant faiblement et alla s’isoler dans sa chambre, d’où il ne put les entendre se désoler.
    Élisabeth rentra dans la cuisine et poussa un petit cri d’horreur en voyant les lunettes, figées comme un monument aux morts. Michelle pleurait silencieusement,et Nicolas avait posé sa fourchette, comprenant bien qu’ils avaient fait une chose qu’ils n’auraient pas dû faire.
    – Où est-il?
    Michelle indiqua la chambre. Élisabeth y entra après avoir frappé doucement, et se réfugia près de Jan qu’elle prit sous son aisselle.
    – Ils ont voulu bien faire, Jan. Je suis certaine que Michelle a fait ça parce que les lunettes perdaient beaucoup de petits éclats de verre. Pour les conserver.
    – Mon père se décomposait de cette façon-là au lieu de le faire sous terre dans une fosse. Je suis orphelin, Élisabeth. C’est idiot, mais c’est ce que je ressens aujourd’hui. J’ai tellement besoin de lui. Si tu savais le nombre d’heures que j’ai passées à lui parler, à lui demander conseil.
    – Je sais. Moi, je prends le violon de maman.
    – Tu me vois parler à du bronze froid, sans yeux? À des lunettes aveugles, opaques?
    – Ça dépend de toi, Jan. Les gens qui vont au cimetière parlent à un morceau de granit.
    – Avec quelqu’un dessous.
    Jan renifla et lui demanda de sortir. Chavirée, Élisabeth obéit. C’était la première fois de sa vie qu’elle voyait l’immensité de la fragilité cachée sous l’apparente force de son frère.

15
    Élisabeth était assise dans une chaloupe avec Denis devant elle, la tête nimbée, une canne à pêche à la main. L’embarcation tanguait si doucement qu’elle devait déployer d’énormes efforts pour rester éveillée. Elle offrait son visage au soleil et celui-ci était si ardent que son reflet sur sa peau d’albâtre éblouissait Denis.
    – Mets ton chapeau, mon bouton-d’or.
    Élisabeth, aveuglée, le regardait, devinant ses traits plus qu’elle ne les voyait. Elle lui souriait avec incrédulité. Ils avaient eu si peu d’occasions de se retrouver seuls à l’extérieur de Montréal qu’ils se cherchaient sans cesse, se tenant par la main, la taille ou l’épaule. Élisabeth savourait chacune de ces minutes où elle pouvait le regarder à son aise sans balayer son entourage du regard afin de s’assurer que personne ne les épiait. Depuis le matin, elle pouvait le humer tant qu’elle le désirait, Denis lui ayant promis de ne s’absenter que le samedi avant-midi, le temps d’une allocution et d’une discussion sur le dédommagement des victimes de la thalidomide. Pour lui prouver sa bonne foi, il lui avait confié sa montre, promettant de ne la reprendre qu’au retour. Élisabeth l’avait attachée à son poignet et l’embrassait fréquemment, parfois uniquement pour sentir la fraîcheur du verre sur ses lèvres. Pour pouvoir s’absenter quatre jours, Denis avait prétexté le congrès,que certains de ses collègues et lui avaient décidé de jumeler à une partie de pêche.
    – C’est ce que tu as dit?
    – Oui.
    – Je ne savais pas que tu aimais la pêche.
    – J’ai toujours aimé la pêche, même si je n’ai jamais su distinguer une espèce de poisson d’une autre. Je ne les ai jamais mangés, pour la bonne et simple raison que je les remets à l’eau. Et, cette année, je vis ma meilleure pêche.
    – Ta meilleure?
    – C’est sûr. Je suis avec mes amours et le soleil est au rendez-vous.
    Élisabeth fut soudainement mal à l’aise. Denis l’aimait toujours à la folie, mais jamais il ne lui avait proposé de quitter sa femme pour vivre avec elle. Jamais. Elle se demandait maintenant de plus en plus souvent si ce n’était pas parce que leur amour était sans lendemain qu’il avait réussi à vivre durant quinze ans. Elle sentit sa poitrine se crisper et espéra que ce ne fût pas sa superstition qui vînt de l’inquiéter.
    – Ta femme pêche elle aussi?
    – Évidemment pas. Ma femme est une femme cliché qui pousse des petits cris de dédain en voyant s’agiter un ver ou qui se pâme presque en regardant une couleuvre glisser sur une pierre. C’est à peine si elle parvient à raconter la plus fâcheuse des aventures de son enfance.
    – Qui était...?
    – Le jour où une sangsue l’a trouvée à son goût!
    Élisabeth sentit énormément de mépris dans cette réponse. Denis avait

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