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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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Jan s’assit, se sentant soudainement petit comme un enfant devant un patriarche. Il ne serait propriétaire des lieux que lorsque Abraham les aurait quittés. Le vieux se dirigea vers la patère, prit son chapeau pour en recouvrir sa kippa, et décrocha son manteau que Jan s’empressa de l’aider à enfiler avant de lui serrer doucement la main.
    – Monsieur Cohen, ne vous inquiétez pas. J’aime votre entreprise et je vous promets de m’en occuper comme vous l’auriez fait.
    Jamais Jan n’avait vu sourire plus triste que celui que Cohen lui fit, déformé par la mollesse de ses lèvres et caché dans les rides qui les auréolaient. Il l’accompagna jusqu’à la porte en lui tenant le bras. Cohen lui demanda s’il pouvait voir l’entrepôt une dernière fois. Jan ne sut que répondre, mais, lui tenant toujours le bras, il marcha dans cette direction. Cohen posa sa main sur la sienne et Jan ne broncha pas. Ils marchèrent lentement et Cohen semblait tout photographier de ses yeux affaiblis. Les ouvriers se turent en les voyant apparaître et une espèce de silence recueilli se répandit comme une brise au parfum d’orange.
    – Au revoir, monsieur Cohen.
    Jan fut étonné de constater le respect que l’on témoignait au vieil homme. Ils arrivèrent enfin à la porte et Jan cherchait ce qu’il lui fallait dire. Le contremaître, une enveloppe à la main, les y attendait. Il fit comprendre à Jan qu’il voulait dire un petit mot à son ancien patron, ce que Jan approuva du chef.
    – Monsieur Cohen, nous sommes désolés pour votre frère et nous vous offrons toutes nos condoléances. Nous ne savions que faire; alors, tous les employés se sont cotisés pour vous remettre cet argent. Nous sommes certains que vous saurez à qui le donner.
    Abraham Cohen sortit de nouveau son mouchoir et s’essuya les yeux, le front et la bouche. Il semblait terriblement gêné d’accepter l’argent de ses employés.
    – Et si je le remettais à l’État d’Israël ? C’est bon pour les catholiques aussi.
    Cohen hocha la tête à deux reprises, et embrassa l’homme deux fois aussi. Il semblait tout faire deux fois. Jan pensa qu’il le faisait peut-être une fois pour son frère et une autre pour lui-même. Il soupira doucement, se disant qu’il n’aurait peut-être pas acheté cet entrepôt s’il avait su que la tristesse allait tuer un homme. Parce qu’il commençait à penser que c’était cela qui c’était produit. Sans laisser tomber son bras, Cohen mit l’enveloppe dans sa poche et s’approcha de la porte, que le contremaître ouvrit avec déférence. Jan le fit passer devant et l’aida à descendre les trois marches qui conduisaient au trottoir.
    – Où allez-vous, monsieur Cohen ?
    – Pas très loin. Un taxi m’attend.
    Jan vit la voiture qui s’approchait et le chauffeur semblait être un habitué. Il sortit pour ouvrir la portière et aida le vieux à s’asseoir. Après avoir poussé à l’intérieur le bout de manteau qui traînait sur le trottoir, il referma la portière et chuchota à Jan que les Cohen étaient de vieux clients qui n’avaient jamais donné de pourboire au jour le jour mais qui, pour souligner la fête de Pâques, remettaient aux chauffeurs un montant intéressant qu’ils étaient trois à se partager.
    – Pour les lapins et les œufs, qu’ils disaient. Drôle quand même quand on pense que plus juif qu’eux ça n’existe pas et que les juifs ne croient même pas à la Résurrection.
    La voiture démarra doucement et Jan ne vit qu’un visage inondé de larmes, dont les yeux avaient regardé aussi longtemps qu’ils l’avaient pu des murs de briques sales et des fenêtres presque toutes noircies de poussière.

20
    Florence était assise devant la fenêtre, regardant la vie s’agiter dehors sous la pluie printanière alors qu’elle avait le deuil à l’âme. Encore treize jours et elle mourrait de ridicule. Si, pendant des semaines, elle avait supplié Élisabeth de l’inscrire au Concours international de Violon de Montréal, elle cherchait maintenant les raisons qui avaient poussé celle-ci à lui céder. Élisabeth aurait dû comprendre qu’elle voulait s’inscrire pour le principe et non pour de vrai. Comprendre qu’elle souhaitait voir les violonistes et non se mesurer à eux, surtout dans une compétition internationale. Elle avait tenté de dissuader Élisabeth, allant même jusqu’à lui dire qu’elle se ferait une mauvaise réputation.
    «Il

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