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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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faut que ton nom circule, Florence. Il y a maintenant plus de quatre ans que tu as joué à New York. Les gens oublient vite. Tu as eu raison d’insister.
    – Non, j’ai eu tort, et je n’ai pas envie qu’ils se souviennent de moi comme de la jeune violoniste dévorée sans sauce dans la fosse aux lions.
    – Tu y vas.»
    C’est ce qu’Élisabeth lui avait dit. Elle avait donc accepté d’être inscrite, souhaitant que le jury ne retienne pas sa candidature, compte tenu de son inexpérience. Contre toute attente, elle avait été sélectionnée, et ellen’avait pu se désister, question de fierté. Maintenant elle savait que sa carrière allait prendre fin. Plus le concours approchait, plus elle se disait qu’Élisabeth avait eu une attaque de mégalomanie et était en mal de reconnaissance internationale. Et, dans treize jours, elles assisteraient toutes les deux aux obsèques de leurs ambitions. Dans treize jours.
    Florence soupira. Elle ne savait comment vivre le malaise qu’elle éprouvait soudain face à Élisabeth, qu’elle avait toujours tant admirée et aimée. Elle lui avait fait confiance si aveuglément qu’elle n’avait pas imaginé qu’Élisabeth puisse manquer de jugement. Car elle avait commis une erreur, Florence en était persuadée. Elle était parmi les plus jeunes concurrents et les autres les regarderaient comme des enfants ridicules essayant de se faire remarquer des grands maîtres. Et pas n’importe comment. Debout sous les projecteurs de la Grande Salle de la Place-des-Arts!
    Florence était si désespérée qu’elle n’arrivait pas à se concentrer sur les pièces qu’elles avaient toutes les deux choisies. Encore là, elles avaient manqué de vision. Les pièces obligatoires de Bach, Beethoven, Paganini, Ysaye et Mozart lui suffisaient. Élisabeth, exagérant comme presque toujours quand une décision la concernait, elle, avait sélectionné quatre autres compositeurs pour les pièces au choix. Quoique Florence les aimât tous, elle savait qu’elle ne les ressentait pas tous aussi bien. Il y avait de la magie entre elle et Mozart parce qu’elle reconnaissait chez lui le plaisir et la douceur qu’elle avait éprouvés lorsque Stanislas l’avait effleurée d’un timide baiser dont elle souriait maintenant que le temps en avait effacé la sensation veloutée; magie aussi entre elle et Beethoven, parceque sa profonde colère lui rappelait les siennes quand, jeune, elle pensait à la mort de son père et à l’internement de sa mère, ainsi que celle qu’elle éprouvait encore en voyant sa grand-mère devenir une vieille femme à la coquetterie aussi fanée que son visage et son vieux manteau dont elle refusait de se débarrasser. Mais Bartók lui donnait des frissons. Comment une violoniste pouvait-elle aimer un compositeur qui avait écrit
Le Château de Barbe-Bleue
? Elle en avait peur. Et Élisabeth lui avait choisi une sonate de Bartók! Sans parler de cette pièce imposée qu’elle n’aurait que quelques jours pour connaître, apprendre et tenter de mémoriser.
    Florence s’effondra sur le divan, se moucha bruyamment et poussa un soupir si profond qu’elle crut entendre son cœur avoir un raté. Elle avait mal partout. La porte s’ouvrit et Élisabeth entra en coup de vent, s’excusant de son retard et demandant à son élève de s’apprêter à commencer la leçon. Florence ne bougea pas, déterminée à lui faire comprendre qu’il était hors de question qu’elle participe à ce concours. Élisabeth alla poser son parapluie dans la baignoire et revint en frottant sa jupe, éclaboussée par une automobile.
    – Temps magnifique! Il n’y a rien de plus joli que la pluie qui fait éclater le vert tendre des feuilles de mai. Allez, on se presse, ma belle. Ce soir, Michelle nous a invitées pour le souper d’anniversaire de Nicolas. C’est tellement plus amusant quand ce jour tombe un samedi. Regarde ce que je lui ai acheté.
    Élisabeth lança un sac de chez
Eaton
sur le divan près de Florence, qui l’ouvrit sans intérêt. Elle y trouva une cassette d’un chanteur américain qu’elle ne connaissait pas.
    – C’est un gadget, Élisabeth, et il faut un petit magnétophone pour l’écouter.
    – C’est Jan qui doit l’acheter.
    – C’est une mode qui va passer, j’en suis certaine. Comment veux-tu qu’une petite cassette comme ça donne un bon son? Tu imagines un concerto de Beethoven là-dessus?
    Élisabeth ne prit pas la peine de répondre.

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