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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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jusqu’à Vancouver et faire un arrêt de plusieurs mois à Winnipeg, est-ce que mon billet serait toujours bon? Ah! vous allez vous informer… Accompagné? Mais non, monsieur. J’ai déjà fait le tour du monde. Comment? Mais en train, monsieur. Et j’ai même vu la Russie, et la Pologne, et Halifax. J’ai vendu des sapins à Toronto, moi, monsieur. Comment? Vous fermez?
Puisque c’est comme ça, je reviendrai mardi! Mardi matin…
    Jan était blême, sidéré par ce qu’il venait d’entendre. Il repartit sur la pointe des pieds, se promettant de parler à Nicolas à la première heure. Il ne dormit pas du reste de la nuit et alla réveiller son fils un peu plus tôt que d’habitude. Il frappa et entra. Nicolas était couché et dormait, la bouche amère, les sourcils froncés. Dans sa chambre, il n’y avait aucune trace du train.

21
    Quand elle le vit, Élisabeth fut étonnée de la violence de son désir. Le temps n’avait jamais réussi à le calmer et elle se demanda s’il n’en était pas ainsi parce qu’ils n’avaient jamais pu jouir des levers et des couchers de soleil à satiété. S’ils s’étaient toujours délectés de leur amour, ils avaient été forcés de le faire à petite dose, le picorant comme un amuse-gueule, restant toujours sur leur appétit, incapables de s’en repaître. Elle agita la main et s’approcha d’un pas rapide, s’imaginant jeune et belle alors qu’elle courait vers la quarantaine. Ces rencontres-surprises étaient extraordinaires. Il lui avait téléphoné pour lui demander de le rejoindre près du
Chalet
sur le mont Royal et elle avait pu se libérer et arriver rapidement au volant de la Volkswagen bleu marine qu’il lui avait récemment offerte afin, lui avait-il dit, qu’elle puisse être près de lui le plus rapidement possible. Elle avait refusé, mais il l’avait bâillonnée de ses lèvres et elle avait été forcée d’accepter. Elle se savait habile au volant, mais la pensée que Denis l’attendait, étendu sur la pelouse, soutenant d’une main son sourire séduisant, lui avait fait commettre des imprudences dont elle n’avait jamais eu conscience.
    Le jour, échappé du printemps pour se balader en été, était magnifique avec son soleil chaud et jaune qui, se faufilant à travers les jeunes feuilles, faisait desombres dentelées sur une pelouse encore fragile. Elle avait revêtu une robe fleurie choisie par Florence, qui ne cessait de lui répéter qu’elle pouvait négliger son allure de Polonaise trop sérieuse. Elles avaient réussi à effacer le chagrin qu’elles avaient toutes les deux dessiné sur la sensibilité de l’autre, et Florence, pour se faire pardonner, avait décuplé ses efforts pour le concours. Il ne lui restait que deux jours et toutes les deux en dormaient fort mal.
    Le temps était si splendide pour un 29 mai que Denis n’avait pu, lui avait-il dit, résister à l’appel de la montagne. Elle arriva enfin à sa hauteur. Dieu qu’elle le trouvait beau! Elle pensait rarement à Marek, dont les traits avaient été gommés pour toujours de sa mémoire. Une sensation de douceur, un timbre de voix, une oasis dans un temps désertique, voilà tout ce qui restait de Marek. Denis avait depuis longtemps tout remplacé, même le mot «amour», qui, les années le lui avaient appris, n’avait jamais été approprié à Marek. Marek avait eu le cœur, les bras et la tendresse de la survie, et non de l’amour. L’amour, c’était Denis. L’amour, c’était la salive goûtant la fraîcheur de son haleine. L’amour, c’était la douloureuse disparition du dimanche et de la communion, parce que son âme, lui avait-on dit, était sale. L’amour, c’était la fugacité des nuits, la douleur de l’absence et la fébrilité des instants de présence.
    Elle s’accroupit pour s’approcher de lui, pencha la tête pour accueillir sa bouche dans son cou puis sur la sienne. Elle lui mordilla les lèvres avant de les aspirer goulûment. Combien la vie goûtait bon quand c’était celle de Denis!
    Ils marchèrent le long du lac, puis allèrent vers les collines boisées, regardant les pousses vertes percer l’humus qui les avait protégées. Ils croisèrent un policier à cheval qui les salua avec un sourire complice. Élisabeth se demanda s’ils étaient nombreux à se précipiter à l’heure du déjeuner pour se gaver de tendresse. Denis l’interrogea longuement sur Florence et sur le concours, et elle lui répondit

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