L'envol des tourterelles

fois innocent et offusqué.
    – Qui habite ici?
    La jeune fille blonde qui leur avait ouvert la porte, blême et un peu ivre, fit des efforts magistraux pour se tenir droite.
    – Moi.
    – Tes parents sont où?
    – Ils devraient rentrer d’une minute à l’autre.
    – À quelle heure?
    – Demain.
    Les policiers se regardèrent, montrant des signes d’impatience, allumèrent le plafonnier, et Sophie vit que les amis de Nicolas avaient tous l’air blafard. Elle prit conscience qu’elle tremblait de peur même si elle n’avait rien bu, rien fumé.
    – Lequel de vous quatre aimerait une petite bière?
    Nicolas avait parlé encore une fois, souriant toujours de son air imbécile, une bière à la main, fouillant les coussins de l’autre pour trouver un décapsuleur. Un des policiers s’approcha de lui et lui demanda son âge.
    – J’ai quinze ans depuis le mois de mai. Et vous?
    Le policier regarda ses collègues d’un air agacé avant de reporter son attention sur Nicolas.
    – Et ta bière, tu l’as achetée ou volée?
    Nicolas éclata de rire avant de répondre qu’il l’avait évidemment volée. Trois secondes plus tard, il se retrouva debout, encadré de deux policiers qui lui faisaient mal aux bras tant ils forçaient pour le tenir.
    – On t’invite à coucher chez nous, le
smart
. Quand tu vas avoir dormi tout ton saoul, on se reparlera de l’endroit où tu t’es servi.
    – Pas besoin, monsieur.
    Sophie s’était approchée avec des yeux de biche affolée.
    – T’es sa petite amie?
    – Non, non. C’est ma belle cousine qui vient du Manitoba et qui a une voix de...
    – C’est vous qui chantiez? Les voisins nous ont dit qu’ils n’avaient pas demandé à avoir un concert de nuit.
    – Je n’ai pas beaucoup chanté... Peut-être cinq ou six chansons...
    – Longues, sûrement très longues, parce que les voisins nous ont dit que tu avais commencé à beugler vers onze heures.
    Insultée, Sophie regarda autour d’elle pour chercher un visage sympathique, mais, hormis Nicolas, personne ne la connaissait. Un deuxième policier s’approcha d’eux, l’air moins conciliant que le premier.
    – Bon! Finies les folies. Emmène-moi Che Guevara et Lolita. Lui pour vol, elle pour tapage nocturne. On n’est quand même pas pour passer la nuit à respirer de l’herbe brûlée. Je suppose que vous avez pris l’eau des toilettes pour éteindre le feu de paille?
    Un murmure et quelques toussotements se firent entendre, puis Nicolas et Sophie se retrouvèrent assis à l’arrière d’une voiture de police.
    –
Wow!
J’ai jamais pensé que je me retrouverais assis avec deux concombres, une cerise sur la tête.
    Nicolas éclata de rire alors que Sophie, plus morte que vive, lui tambourinait dans les côtes avec son coude.
    Jan était devant le policier, arborant son sourire le plus affable, hochant la tête pour bien faire comprendre sa surprise de se retrouver au poste de police en plein milieu de la nuit.
    – Mon fils? Vous dites que mon fils a volé de la bière et fumé de la drogue?
    – Pour la bière, on est certains, parce que c’est lui qui nous l’a dit. Pour la drogue, on le soupçonne, mais on n’a pas de preuves. Je vous dis ça comme ça, parce que moi-même j’ai un gars de son âge.
    Jan ne savait s’il avait envie de rire ou de s’encolérer, mais les poings lui démangeaient.
    – Est-ce que mon fils vous a dit où il avait volé la bière? Parce que je mettrais ma main au feu que c’est dans mon épicerie. Quand il était petit, il prenait des biscuits pour les offrir. Maintenant, j’imagine qu’il est à l’âge où on prend de la bière.
    – C’est pas utile pour le moment de savoir où il l’a volée. Il l’a volée, c’est assez.
    – Pas si c’est chez lui, quand même...
    Le policier regarda Jan avec l’air de dire qu’il avait pitié de lui. Jan soutint son regard avec l’assurance du père qui connaît son fils et a confiance en lui, alors qu’ilse sentait plus qu’ébranlé et dépassé par la situation. Il venait d’apprendre que Nicolas buvait alors qu’il ne l’avait jamais vu avec un verre d’alcool à la main; qu’il avait volé; qu’il consommait peut-être de la drogue; et que Sophie se trouvait derrière les barreaux pour avoir chanté. Il était affolé par la perspective d’une colère de Jerzy et par l’idée de voir celui-ci prendre des décisions qui pourraient compromettre l’avenir de Stanislas.
    – Votre fils subit