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L'envol des tourterelles

Titel: L'envol des tourterelles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Arlette Cousture
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bleu que le drapeau du Québec s’y confondait, créant l’illusion que sa croix et ses fleurs blanches se dandinaient seules au-dessus de la place des Nations.
    L’Exposition universelle battait son plein depuis le mois d’avril et Élisabeth avait peine à croire à ce qu’elle voyait. Malgré le nombre incroyable d’activités offertes aux visiteurs, une foule s’était massée devant la scène de la place pour venir entendre les Archets de Montréal. Quoiqu’un peu en retrait, elle voyait, aux premières places, Jan et sa famille, Stanislas et cette magnifique jeune fille qui devait être sa filleule, Sophie, dont les allures de diva étaient difficilementidentifiables derrière une frange trop longue, un débardeur à rayures un peu trop voyantes, une minijupe et des bottes blanches – certainement trop chaudes – qui lui moulaient le mollet jusqu’au genou. La coïncidence de donner une représentation le jour de leur arrivée était bénie. Elle avait encore besoin de ces situations exceptionnelles pour retrouver son appétit de vivre après avoir jeûné pendant près d’un an.
    Les musiciens se placèrent avec leur discipline habituelle, qui réconciliait toujours les adultes avec la turbulente jeunesse qui ne cessait de se trémousser aux sons tonitruants du rock-and-roll. Florence donna le
la
à deux reprises, tendit l’oreille, puis, satisfaite de l’unisson, sourit à ses camarades. Élisabeth attendit le silence des instruments pour faire son apparition et recula d’un pas, saisie de l’accueil qu’on lui réservait. Florence la regarda avec fierté et lui sourit avec cette tristesse qui ne la quittait plus depuis qu’il était convenu qu’elle donnait là sa dernière représentation avec l’orchestre, devant quitter Montréal pour aller étudier à l’école Juilliard, à New York, avec un professeur qui l’avait entendue au Concours international de Violon. Leur rencontre s’était produite durant le mois qui avait suivi, et Jan la lui avait racontée, la ménageant le plus possible et cherchant ses mots pour lui dire que Florence s’était trouvé plein d’affinités avec ce professeur qui accusait la soixantaine.
    «Un vrai M. Porowski, Élisabeth. Aussi compétent et, dit-on, aussi bel homme. Tu l’aimeras.»
    La nouvelle, qui était bonne en soi et répondait à tous ses souhaits, l’avait laissée complètement indifférente, l’absence de ses amours se faisant alors ressentir de façon aiguë. Maintenant, plus d’un an après sa ruptureavec Denis, cette absence la torturait encore, surtout lorsqu’elle croisait une femme enceinte ou une jeune mère poussant un landau. Elle salua l’auditoire, fit un sourire en direction de Stanislas et de Sophie et balaya l’assistance du regard, craignant, tout en le souhaitant, apercevoir la tête de Denis. Elle ne l’avait plus jamais revu, si ce n’est de dos. Il était venu six fois lui faire de longues suppliques derrière la porte dont Jan, pour l’aider, avait changé la serrure. Il lui parlait de son amour éternel, de son corps d’homme qui avait succombé aux charmes de sa femme.
    «Une fois, Élisabeth, une fois. Elle m’a réveillé en pleine nuit et, je te le jure sur la tête de ma mère, j’ai fermé les yeux et pensé que je te faisais l’amour. Je n’y comprends rien et je me demande sincèrement si je suis le père. Tu m’entends? Je me demande si je suis le père, parce que c’est incroyable qu’elle ait conçu à quarante-deux ans, après vingt ans de mariage.»
    Chaque séance de torture se terminait de la même façon. Il sanglotait de son côté de la porte, elle du sien. Puis elle se traînait jusqu’à la fenêtre, d’où, à l’abri derrière le voilage, redevenue veuve blanche, elle le regardait disparaître. Il ne se retournait jamais. À sa sixième visite, il avait sangloté davantage, parlant de la naissance de son fils.
    «Il aurait mes yeux. Élisabeth? Élisabeth? Pardonne-moi, mais je l’aime. Tu m’as toujours dit que tu ne saurais être la maîtresse d’un père et il aura fallu que je le devienne pour comprendre. Je t’aime, je t’aimerai toujours, mais je reste près de lui.»
    Ce jour-là, elle n’était pas allée à la fenêtre. Elle avait, sans succès, tenté d’essuyer sa peine, puis déclarédisparues pour toujours les quinze années qu’elle avait connues avec Denis.
    Florence avait cligné des yeux et Élisabeth comprit qu’elle devait commencer. Ce petit

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