L'envol des tourterelles
d’une location, même si elle avait l’intention de revenir y habiter à son retour à Montréal. Elle avait cependant dû entreposer tous les biens de son maigre héritage et Jan lui avait gentiment offert un espace dans la cave d’une de ses épiceries. Elles étaient donc allées fêter le nouvel an à New York, ayant prévu un arrêt à Boston pour assister à une représentation du ballet
Casse-Noisette
afin d’en comparer l’interprétation avec celle donnée à Montréal.
Stanislas avait bien essayé de cacher sa tristesse de savoir les siens seuls mais Jan l’avait supplié d’aller les retrouver.
– Je t’offre le billet de train.
– Non, mon oncle. Tu en fais assez pour moi.
– En deuxième classe. À dormir assis et à manger des sandwiches. Ce n’est pas un gros cadeau.
– Non, mon oncle. J’ai pensé partir le soir de mon dernier cours, en stop. Ça se fait bien.
– À moins trente?
– Avec des bottes chaudes, trois pulls, une bonne écharpe et une tuque, je ne devrais pas avoir froid.
– Prends le train.
– Non, merci.
Devant l’entêtement de son neveu, Jan n’avait rien ajouté, sachant qu’il se heurterait à un mur. Le matin de son dernier cours, Stanislas avait reçu une carte de vœux de Florence et d’Élisabeth et un billet d’autobus que sa tante lui offrait. Il n’avait pas été dupe et avait souri à l’expression d’étonnement de son oncle quand il l’avait remercié.
– Tu ne voulais pas que je t’offre un billet de train, mais tu n’as jamais parlé de l’autocar.
Quand il avait vu le givre adhérant aux fenêtres du car, Stanislas lui en avait été reconnaissant.
Pendant les deux semaines ayant précédé Noël, Nicolas les avait suppliés du matin au soir de le laisser partir chez un de ses amis dont les parents avaient un chalet au lac Noir, dans les Laurentides. Jan et Michelle, qui n’avaient pas encore vraiment digéré son passage dans un poste de police, s’y étaient opposés jusqu’à la dernière goutte de patience qu’ils avaient trouvée. Nicolas avait donc fait une valise que Michelle avait trouvée si sommaire qu’elle lui avait demandé s’il avait l’intention de se changer au moins une fois durant la semaine. Nicolas avait haussé les épaules en lui disant que oui, qu’il avait trois lainages et un jean et que cela serait suffisant.
– Et ton pyjama? Tu ne vas quand même pas te promener devant ses parents sans pyjama!
Nicolas avait ajouté pyjama, pantoufles et brosse à dents. Michelle lui avait finalement remis une boîte de chocolats pour offrir à la mère de son copain.
– Je vais avoir l’air de quoi, moi, avec une boîte de chocolats?
– D’un jeune garçon de bonne famille qui sait vivre. C’est comme ça que les choses se font.
Au fil des conversations, Jan avait glissé des questions qu’il voulait discrètes. Y aurait-il des filles? Qu’allaient-ils faire de leurs journées? Combien seraient-ils? Avaient-ils un téléphone? Il avait alors compris que Nicolas passerait ses vacances à faire de longues promenades pendant que ses copains skieraient; qu’il souhaitait qu’il n’y ait pas de filles, parce qu’ils avaient l’intention de jouer au Monopoly ou aux cartes; qu’il ne savait pas si les parents se joindraient à eux, mais que cela n’avait aucune importance parce qu’ils seraient quatre, ce qui était suffisant pour le Monopoly; qu’il leur souhaitait immédiatement de passer de joyeuses fêtes, parce qu’il ne pourrait le faire le 25 puisque, non, ils n’avaient pas le téléphone.
– C’est une chalet rustique. Il paraît qu’il y a un foyer et un poêle à bois.
– Pas d’autre chauffage?
– C’est pas nécessaire.
Quand il était finalement parti pour rejoindre ses amis, Michelle n’avait cessé de lui faire ses recommandations.
– Dis toujours «s’il vous plaît» et «merci». Ne mets pas tes coudes sur la table, n’ouvre jamais la porte du réfrigérateur à moins d’y être invité, et porte les sacs quand vous irez à l’épicerie.
Jan lui avait offert d’aller le reconduire, mais il avait refusé puisque ses copains et lui s’étaient donné rendez-vous à la station de métro Berri-DeMontigny. Jan l’avait regardé partir, ne sachant s’il devait sourire de le voir marcher d’un pas si léger, si empressé. Il ne s’était posé qu’une question avait-il bien fait de lui donner la permission malgré son sentiment que Nicolas leur avait
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