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L'envol du faucon

L'envol du faucon

Titel: L'envol du faucon Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Axel Aylwen
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grassouillets. D'abord les Hollandais, avec leurs manières sacrilèges de protestants, et maintenant ces impérieux Français — bien qu'au moins ils fussent catho-liques. Comme son âme avait la nostalgie du glorieux passé de son pays, quand le Portugal était le maître incontesté de l'Asie et que ses caravelles régnaient sur les mers de l'Hindoustan au Japon ! Même ces diables d'Espagnols s'étaient vu confiner dans leur petite enclave des Philippines, incapables de rivaliser avec la puissance de l'empire portugais.
    Les hommes s'étaient mis à rire. Si, pendant son séjour au séminaire d'Ayuthia où les jésuites venus de France étaient nombreux, le prêtre avait acquis des rudiments de français, il le comprenait beaucoup mieux qu'il ne le parlait. Il les entendit rire et la curiosité l'emporta. Il écouta attentivement.
    « Qu'est-ce qui s'est passé ensuite, Jacques ?
    — Eh bien alors, Dumas a dit : "Tout plutôt que de rentrer en France avec ce vieux grincheux ! Même aller à Mergui combattre les Siamois !"» Il y eut un éclat de rire général.
    « Vous savez ce que mon ami Chabert m'a raconté ? lança un autre. Il m'a affirmé que la seule raison pour laquelle les Français envahissent Mergui, c'est parce que La Loubère n'a pas réussi à persuader un seul homme de rentrer en France avec lui ! » Autres rires. Le prêtre n'en perdait pas une. « Le vieux devait faire quelque chose avec le surplus d'hommes, parce qu'il était prévu que cinquante d'entre eux seulement débarquent à Songkhla. Alors il a expédié le reste à Mergui, tous les cent ! »
    Quand les rires se furent éteints, un autre demanda : « Vous croyez que nous aurons des difficultés à nous emparer de Mergui ?
    — Je ne le pense pas. L'ambassadeur ne sera pas là pour donner des ordres de travers ! » Rire général, de nouveau.
    « Ça devrait être du tout cuit ! s'écria une voix. Les Siamois seront totalement pris par surprise. Tout comme nous l'avons été quand on nous a annoncé le changement de destination. Quelqu'un d'entre vous savait-il que les gars ne retourneraient pas en France ?
    — Non, répondit une autre voix. Je crois que personne ne le savait. Les huiles ont bien gardé le secret. Duvalier m'a rapporté que ses gars n'ont été mis au courant qu'après avoir atteint Songkhla. Certains du contingent de Songkhla se sont vu proposer de se porter volontaires pour Mergui.
    — Je vois, Murot, que tu as sauté sur l'occasion.
    — Tout comme toi, Croissard.
    — Mais j'ai entendu dire que les Anglais sont bien installés à Mergui, observa un autre. Ces faces de homard pourraient bien nous poser des problèmes.
    — J'en doute. Ce sont des marchands, pas des soldats. Qu'est-ce qu'ils connaissent au combat ?
    — Les Anglais apprennent à se battre dès la naissance. Ils ont ça dans leur sang de barbares !
    — Ta mère est anglaise, non ?
    — Va te faire foutre, Gérard. Au moins, moi, je sais qui est ma mère.
    — Ça suffit, vous deux ! Mais Desfarges ? Est-ce qu'il va s'emparer d'Ayuthia pendant que nos gars prennent Mergui ?
    — Je crois que c'est ce qui est prévu. Il serait logique de s'emparer des deux villes en même temps.
    — Ce n'est pas ce que j'ai entendu, Jacques. On raconte que le vieux général s'est querellé avec l'ambassadeur parce qu'il ne trouvait pas juste de se retourner comme cela contre Ayuthia.
    — Un militaire préconisant la paix, tu m'en diras tant !
    — Pourtant le vieux avait raison. Nous poumons passer le restant de notre vie à essayer de défendre nos positions contre des hordes d'indigènes nerveux. Ils m'ont l'air joliment indépendants, ces Siamois.
    — A vrai dire, je les aime bien. Ils ont un certain charme.
    — Tu veux sans doute parler des femmes, Jacques. Tu n'as jamais remarqué qui que ce soit d'autre.
    — Va te faire voir, Gérard ! Tu n'es pas fichu de faire la différence. »
    Cloué sur place, le prêtre attendit encore un instant. Puis, voyant que la conversation s'éloignait des questions politiques, il oublia, pour la première fois en vingt-deux ans, le coucher de soleil et rebroussa tranquillement chemin.
    Si le Siam devait devenir une colonie française, quel serait le sort de ses quatre mille compatriotes dont les ancêtres avaient revendiqué leur part de ce territoire presque deux cents ans auparavant ? Plus inquiétant encore : qu'arriverait-il aux prêtres et aux missionnaires portugais qui avaient voué leur vie au Siam

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