L'envol du faucon
enclin à le croire quand il affirmait qu'il n'arriverait aucun mal à quiconque paraissait être en termes amicaux avec lui.
Ce matin, dès qu'il était rentré de son séjour de trois jours chez White, Mason était venu le voir dans sa cabine pour en appeler à lui en privé.
« Je ne souhaite pas questionner vos ordres, mon capitaine, avait commencé Mason, mais vos officiers s'accordent pour dire que le seigneur White a l'intention de nous attaquer. J'estime qu'il est de mon devoir de porter leur point de vue, et le mien, à votre attention.
— Je connais déjà votre opinion, Mason, répondit Weltden avec lassitude. Avez-vous quelque chose de neuf à ajouter ?
— Oui, mon capitaine.
— Eh bien ?
— Nous aimerions vous signaler, mon capitaine, que si le seigneur White nous a envoyé hier son bateau-pilote pour nous guider jusqu'au port à travers la barre, son propre bateau, le Résolution, est toujours mouillé au large. Nous sommes les seuls à nous trouver au port. Même les trois corsaires siamois qui sont rentrés hier sont vite repartis. Nous sommes tous d'avis, mon capitaine, que le seigneur White s'assure de pouvoir s'enfuir rapidement après son attaque. Nous, en revanche, resterions coincés ici à la merci des marées et incapables de nous lancer à sa poursuite.
— Ou'est-ce que vous suggérez exactement, Mason ?
— Je suggère, mon capitaine, qu'en invitant le seul Curtana à entrer au port, le seigneur White donne l'impression que c'est nous qui préparons un acte d'agression. Nous sommes puissamment armés et la ville est maintenant à portée de canon. »
Weltden réfléchit un moment. « Que proposez-vous ?
— Nous emparer du Résolution, lui faire traverser la barre pour jeter l'ancre à côté de nous afin de pouvoir le surveiller, et continuer par la même occasion à afficher nos relations fraternelles avec le maître du port.
— La réquisition d'un navire ami ne serait guère un acte fraternel, Mason. La coopération dont le seigneur White a fait preuve jusqu'à présent à notre égard ne nécessite pas une mesure si sévère. » Elle n'arrangerait pas non plus les affaires de la Compagnie lorsqu'il aborderait avec White la question de la reddition de Mergui, se dit le capitaine.
« Nos ordres ne sont-ils pas, mon capitaine, de nous emparer des bateaux ennemis et de les prendre en otage jusqu'à ce que nos conditions aient été remplies ? » Pour la première fois, il y avait une note d'impatience non dissimulée dans le ton de Mason.
« Oui, si nous rencontrons une résistance, et je ne crois pas que ce soit le cas jusqu'à présent.
— Mais, mon capitaine, ne pouvons-nous pas au moins prendre quelques précautions ? Juste au cas où nos soupçons seraient justifiés... »
Weltden soupira en son for intérieur. Il lui faudrait faire une petite concession pour se débarrasser de Mason. « Je ne prendrai pas le risque d'offenser le seigneur White tant qu'il continue de se montrer des plus coopératifs, mais je promets de soulever la question du Résolution la prochaine fois que je le verrai. »
Mason bouillait. Comment le capitaine pouvait-il être si aveugle ? Sa vie de bâton de chaise lui avait-elle embrouillé le cerveau ? Mason décida de discuter de la situation avec les autres. S'ils étaient d'accord, ils pourraient prendre eux-mêmes les choses en main.
« Très bien, Mason, ce sera tout », dit Weltden en le congédiant.
Ivatt lançait à la ronde des regards déconcertés : le dock royal de Louvo grouillait d'activité. On harnachait un grand nombre d'éléphants de guerre, des officiers élégamment vêtus criaient des ordres et des dizaines de soldats et d'esclaves couraient en tous sens. La guerre avait-elle été déclarée ? s'interrogea-t-il, alarmé.
A l'entrée du palais de Phaulkon, même les gardes qui le reconnurent ne le laissèrent pas passer avant d'en rendre compte d'abord à leur maître. Plusieurs minutes s'écoulèrent avant que l'un d'entre eux ne revînt au pas de course pour demander à Ivatt de le suivre.
Phaulkon était dans son bureau en train de débiter des ordres à Bashpool. Cependant, dès qu'on annonça Ivatt, il renvoya son secrétaire et se leva de son bureau. « Entre, Thomas, cria-t-il. J'avais peur que tu n'arrives pas à temps. Je suis si content !
— Que se passe-t-il ici, Constant ? Est-ce que tu essaies de m'impressionner en ayant l'air affairé ? »
Phaulkon rit. « Les événements me
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